« Les communistes font leur le programme fasciste de 1919 qui est un programme de liberté. (…) Peuple italien ! Fascistes de la vieille garde ! Jeunes fascistes ! Nous les communistes nous faisons nôtre le programme fasciste de 1919, qui est un programme de paix, de liberté, de défense des intérêts des travailleurs et nous vous disons : luttons tous unis pour la réalisation de ce programme. (…) Fascistes de la vieille garde ! Jeunes fascistes ! Nous proclamons que nous sommes disposés à combattre à vos côtés, avec tout le peuple italien pour la réalisation du programme fasciste de 1919 ! »
De qui et de quand sont donc ces lignes, rarement évoquées par les historiens – sans parler des derniers folliculaires balbutiants et besogneux héritiers du Guépéou – ; elles datent du début d’août 1936, sept semaines après le soulèvement franquiste en Espagne, applaudi par les fascistes italiens, et une semaine avant l’ouverture du premier procès de Moscou, où seront condamnés à mort le premier président de l’Internationale communiste, Grigori Zinoviev et plusieurs autres anciens dirigeants bolcheviks. Elles ont été publiées dans la revue du Parti communiste italien « Lo Stato Operaio » (n° 8, août 1936), fondée en 1923 et publiée en exil à Paris, de 1927 à 1939, puis à New York sous la direction de deux dirigeants du Parti communiste italien, (PCI) Giuseppe Berti et Ambrogio Donini. Son premier signataire est son secrétaire Palmiro Togliatti, membre du secrétariat de l’Internationale communiste, alors émigré à Moscou et chargé, avec Dimitri Manouilski, de sa Commission italienne. Parmi la cinquantaine de signataires du PCI figurent Luigi Longo, successeur de Togliatti au poste de secrétaire général du PCI de 1964 à 1972 et Vittorio Vidali, futur commandant Carlos en Espagne, accusé d’être l’assassin du dirigeant du POUM, Andreu Nin, puis de l’anarchiste italien Carlo Tresca.
Notons à l’intention de ceux qui seraient tentés de voir dans l’appel du 8 août 1936 une initiative isolée de quelques dirigeants communistes égarés que, peu avant, lors de la réunion de cette Commission du Secrétariat latin de l’Internationale communiste tenue du 26 au 31 décembre 1935 ce même Manouilski avait déclaré : « le problème du front unique en Italie est le problème du front unique avec les fascistes. Vous devez adopter cette ligne politique claire » [1]. Comme on dit en italien « piu chiaro di cosi » (On ne peut pas être plus clair).
Cet appel de 1936, publié trois mois après la proclamation par Mussolini, le 8 mai, de la Fondation de l’Empire italien, qui couronne la conquête de l’Ethiopie, jette une vive lumière sur la longue série de procès, publics ou à huis clos, qui accuseront de vieux communistes – mais aucun des signataires de ces lignes – de liens avec les services de renseignements d’un nombre variable de pays étrangers.
Nous invitons tous ceux qui voudraient lire le long texte d’où ces lignes sont extraites à consulter le numéro 4 des Cahiers du mouvement ouvrier (p. 106-116) sur le site de la revue : cahiersdumouvementouvrier.org.[2]
https://cahiersdumouvementouvrier.org/wp-content/uploads/tous-cmo-pdf/cmo_004.pdf
Frank La Brasca, Jean-Jacques Marie
[1] Mikhaïl Narinsky, Jürgen Rojahn : Center and periphery. The History of the Comintern in the light of new documents 1996, p. 183.
[2] La perfection n’étant pas de ce monde (ni de l’autre d’ailleurs) …le traducteur a omis de traduire le titre de l’appel, qui, quoique peu éclairant sur son contenu, doit être rétabli. Le voici donc : « Pour le salut de l’Italie. Réconciliation du peuple italien ».