Jean-Jacques Marie
14 septembre 2020
A la mi-août 2020 le gouvernement polonais a fêté le centenaire du « miracle de la Vistule », c’est-à-dire le retournement brutal qui a permis aux troupes polonaises de faire brutalement refluer l’armée rouge arrivée aux portes de la ville à la fin de sa contre-offensive engagée contre l’armée polonaise qui avait envahi l’Ukraine à la fin d’avril.
Le gouvernement polonais a invité le secrétaire d’état américain, Mike Pompeo, à célébrer cette victoire avec lui. Mike Pompeo a exprimé ses vifs remerciements au gouvernement polonais. Est-ce pour ce que son prédécesseur, le gouvernement de Pilsudski, a fait en 1920 ou pour ce que fait le gouvernement polonais actuel, docile domestique et défenseur des intérêts de l’impérialisme américain dans la région ou – sans doute – pour les deux à la fois ? Soit dit en passant, le dit gouvernement polonais est quelque peu ingrat. En 1920, il était armé par les gouvernements anglais et surtout français, acharnés à mener la lutte contre le bolchevisme, et l’armée polonaise a alors reçu non seulement des armes livrées par Paris mais aussi les conseils, voire parfois les directives – précises – d’une mission militaire française installée à Varsovie, dirigée par le général Weygand, où figurait parmi la pléiade d’officiers installés dans la capitale, un certain capitaine nommé Charles de Gaulle. Mais les puissants d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui et Varsovie n’a que faire des mimiques mondaines de Macron ou des pitreries de Boris Johnson.
L’armée polonaise a alors bien besoin de cette aide peu désintéressée. Son corps des officiers est formé de membres de la grande ou petite noblesse (la szlachta) dont les principales qualités sont la vanité, la morgue imbécile, le goût des mondanités, le souci de sa prééminence sociale et un solide mépris pour tous ceux qui n’appartiennent pas à leur caste de parasites sociaux …
Ces qualités s’exprimeront brutalement en 1939 lors de l’attaque de l’Allemagne nazie. Dès les premiers jours de la guerre le secrétaire du comité de Varsovie du Parti socialiste polonais et membre de sa direction nationale, Zygmunt Zaremba, veut proposer au gouvernement nationaliste polonais la collaboration de son parti à la défense de la patrie. Il réussit à rencontrer, le 4 septembre le colonel Wenda, chef de la coalition politique gouvernementale, l’OZON. Or à l’époque, après la dissolution en 1938 du parti communiste polonais décidée par Staline[1], qui l’accusait d’être un repaire de trotskystes et de luxemburgistes, le parti socialiste polonais rassemble ou influence la majorité des ouvriers conscients, sauf les ouvriers juifs qui se retrouvent dans le Bund. Il peut donc peser dans la bataille qui s’engage. Mais Wenda envoie promener Zaremba en déclarant : « Nous avons engagé la lutte et nous n’avons l’intention de partager les fruits de la victoire avec personne ». Trois semaines plus tard il ne pourra partager les citrons amers de la défaite avec personne … La Pologne était anéantie. On trouvera le texte de Zaremba[2] dans le n° 10 des Cahiers du mouvement ouvrier sur cahiersdumouvementouvrier.org
Le tome 3 du livre de Trotsky Comment la révolution s’est armée, non traduit du russe (à la différence du tome 1), contient de nombreux sur cette guerre polono-soviétique. Nous publions ci-dessous quatre de ces textes à la fois, les lecteurs le verront, courts, précis et percutants…
[1] Voir à ce propos le n° 4, 6 et 17 des Cahiers du mouvement ouvrier.
[2] Signalons à ce propos une petite erreur dans le titre, la rencontre a eu lieu le 4 et non le 3 septembre. Signalons aussi une ambiguïté : le colonel Wenda est le chef politique et militaire de la coalition politique réactionnaire dite Ozon. Le chef d’état-major de l’armée, comme on le voit dans le texte de Zaremba page 78 est Rydz Smigly.
Quelques dates pour mieux comprendre …
Après avoir signé avec le chef « nationaliste » ukrainien Petlioura un accord dans lequel ce dernier cède d’avance à la Pologne une partie des territoires ukrainiens (voir ci-après), le maréchal Pilsudski lance l’armée polonaise à l’assaut de l’Ukraine le 25 avril. En quelques jours ces dernières prennent Jitomir, Berditchev, Moghilev, puis, le 6 mai, Kiev. La contre-offensive de l’armée rouge commence le 25 mai et le 12 juin l’armée rouge reprend Kiev, puis Minsk le 11 juillet, et Brest-Litovsk le 1er août. Elle pénètre ensuite en Pologne jusqu’au coup d’arrêt qui lui est donné à la mi-août par l’armée polonaise devant Varsovie. C’est pour les dirigeants polonais « le miracle de la Vistule » Dans sa contre-offensive, dès le 21 août l’armée polonaise reprend Brest-Litovsk. Le 21 septembre des pourparlers de paix – interrompus fin avril – entre la Pologne et la Russie soviétique reprennent à Riga et aboutissent à un armistice le 12 octobre.
Quatre textes de Trotsky inédits en français
Pour l’Ukraine soviétique !
Un grave danger venu de l’Ouest, de la Pologne, fond sur l’Ukraine soviétique. Les hobereaux se sont déjà emparés d’une partie significative de la terre d’Ukraine. Mais non content de s’emparer, les armes à la main, de provinces purement ukrainiennes, le gouvernement des grands propriétaires polonais présente sa campagne de pillage comme un combat pour « la libération de l’Ukraine ».
Comme aucun nigaud ne croira que Pilsudski, avec ses magnats et ses capitalistes, se prépare à libérer l’Ukraine, ces messieurs propulsent en avant pour la montre, le prétendu « général » Petlioura, en le présentant comme destiné à libérer et à diriger l’Ukraine. Les troupes polonaises, voyez-vous, se contentent d’aider Petlioura, les magnats et les capitalistes polonais, voyez-vous, ne veulent rien pour eux-mêmes ! Ils veulent seulement aider les ouvriers et les paysans opprimés par le pouvoir soviétique, et le garant de cette aide est Petlioura lui-même, qui entre en Ukraine dans les fourgons polonais.
Qui est donc Petlioura ? Nous le connaissons par ses actes. Au début de la révolution il devint membre de la Rada de Kiev ; lorsque les classes travailleuses d’Ukraine se révoltèrent contre la Rada et fondèrent le pouvoir soviétique, Petlioura se tourna vers les kaisers allemand et autrichien et demanda humblement à leurs grandeurs impériales d’envoyer des troupes allemandes en Ukraine pour soutenir le pouvoir de la Rada de Kiev. Les troupes de Guillaume vinrent, s’emparèrent de toute l’Ukraine, clouèrent les travailleurs à la terre, puis les autorités militaires allemandes d’un coup de botte rejetèrent dans un coin le pitoyable traître ukrainien, qui ne leur servait plus à rien. A sa place les Allemands installèrent l’hetman Skoropadski. Tel fut le premier chapitre de l’activité du grand Petlioura.
En novembre 1918 éclata la révolution allemande ; Guillaume Hohenzollern tomba et à sa suite leur commis ukrainien, l’hetman Skoropadski. L’Ukraine fit alors briller les yeux des capitalistes anglo-français. Des troupes françaises débarquèrent à Odessa.
Le général Petlioura sortit alors de l’obscurité, et demanda aux gouvernements capitalistes d’Angleterre et de France le plus grand nombre possible de troupes pour y installer le pouvoir du directoire petliouriste. Pour les en remercier Petlioura promit aux usuriers de Londres et de Paris de les servir fidèlement, c’est-à-dire sur le dos et aux frais du paysan ukrainien. Et Petlioura reçut de l’argent et des armes des impérialistes anglo-français. Il entreprit alors de construire son armée. Mais la seconde révolution soviétique éclata en Ukraine, chassa les troupes françaises de la rive de la Mer noire et, en même temps que les ordures des grands propriétaires et de la bourgeoisie, balaya et le seigneur Petlioura et son directoire. Tel est le second chapitre de l’histoire de Petlioura.
Après avoir servi le kaiser allemand contre l’Ukraine, après avoir tenté de vendre son âme à la bourse anglo-française, mais avoir subi un nouvel échec total, Petlioura grelottait quelque part, ignoré de tous.
Mais alors s’ouvrit le troisième chapitre. Les grands propriétaires polonais décidèrent de reprendre à tout prix leurs terres et leurs usines de sucre en Volhynie, en Podolie et dans la région de Kiev. Leur fidèle créature, le chef de l’Etat polonais et le commandant en chef des armées polonaises, Pilsudski repoussa toutes les propositions de paix du gouvernement soviétique et décida d’attaquer l’Ukraine. Mais pour camoufler au moins partiellement le caractère de rapine de sa campagne et pour tromper les couches les plus ignorantes de la population ukrainienne, monsieur Pilsudski décida d’embarquer avec lui en Ukraine monsieur Petlioura. Inutile de préciser que Petlioura vendit volontiers ses services aux grands propriétaires polonais, comme il les avait vendus auparavant au kaiser allemand et à la bourse anglo-française. Ainsi la noblesse polonaise reçut-elle la possibilité de piller l’Ukraine sous la bannière de Petlioura. Pour remercier les magnats polonais de lui avoir trouvé une fonction, Petlioura transféra en toute propriété à la Pologne toutes les terres situées à l’ouest de la ligne Zbroutch, Styr ou Goryn, c’est-à-dire toute la Galicie orientale, la Volhynie occidentale, les régions de Polésie et de Kholmsk. Dans ces régions vivent sept millions un quart d’habitants, dont cinq millions un quart d’Ukrainiens.
Mais il y a encore dans l’Ukraine de la rive droite et en partie dans l’Ukraine de la rive gauche des benêts – surtout dans le milieu des koulaks ignorants – qui croient que le pouvoir en Ukraine reviendra effectivement à Petlioura et aux koulaks, qui mettront la main sur les terres et sur toutes les richesses du pays. Ils se trompent. Ce n’est pas pour Petlioura et pour les koulaks petliouristes que les hobereaux polonais font la guerre. C’est la noblesse polonaise qui mettra la main sur les terres et les richesses. A moins que Pilsudski ne récompense par de la terre ukrainienne, les paysans polonais qui manquent de terre, pour ne pas offenser les grands propriétaires en Pologne.
Alors, même les koulaks bornés de la rive droite comprendront que Petlioura n’est rien d’autre qu’un traître, qui, comme sur un marché, fait commerce de l’Ukraine, en la proposant à tour de rôle aux Allemands, aux Français et aux Polonais. Alors beaucoup de petits partisans, aujourd’hui déroutés par Petlioura, retourneront leurs armes contre les hobereaux polonais et contre Petlioura. Alors même les gens les plus ignorants et les plus fermés de l’Ukraine occidentale comprendront que l’Ukraine ne peut préserver son indépendance et son autonomie que sous le pouvoir soviétique.
Non, les hobereaux polonais ne s’empareront pas de l’Ukraine même temporairement. Dès que Kiev est tombé entre les mains des grands bandits seigneuriaux un cri d’indignation et un appel ont retenti à travers toute la Russie : Vers le sud, au secours des ouvriers et de la paysannerie laborieuse d’Ukraine !
De tous les fronts où la Russie soviétique l’a emporté, de l’est, du sud et du nord, les meilleures unités, les meilleurs commandants et les meilleurs commissaires vont vers l’ouest, contre les armées de gardes blancs polonais. Tout ce qu’il y a d’honnête en Ukraine même se lève. Le grand combat contre notre dernier ennemi s’achèvera par l’écrasement des hordes de Pilsudski et de Petlioura.
La victoire sera à nous. En avant pour l’Ukraine soviétique !
11 mai 1920
Nejine.
V pouti n° 114
Dans la fumée et l’ivresse.
Les premières victoires des armées polonaises ont définitivement tourné la tête des classes dirigeantes de la Pologne. Même dans le milieu de la bourgeoisie polonaise, certains, encore récemment, regardaient avec défiance l’aventure ukrainienne de Pilsudski. Mais après la prise de Kiev la fièvre chauvine a apparemment gagné définitivement les cercles de la noblesse, de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie de Pologne. Pilsudski est devenu un héros national. Les doutes se sont dissipés. Kiev est maintenant derrière et bien entendu de nouveaux objectifs apparaissent : Kharkov et Moscou. Les têtes des gouvernants de Varsovie se vautrent dans la fumée et dans l’ivresse.
On n’entend presque pas parler de Petlioura. En revanche la figure de Skoropadski est apparue à l’horizon. Le télégraphe allemand nous apprend qu’à Berlin s’est ouvert un rassemblement des corbeaux tsaristes : l’un des premiers à s’y être présenté est l’hetman du kaiser, Skoropadski, et après lui un bon nombre d’anciens dignitaires, de grands propriétaires et d’industriels du sucre. Ils attendent tous avec impatience les succès polonais ultérieurs pour retrouver leurs places habituelles.
Les représentants de Petlioura à Berlin se lamentent déjà plaintivement : « L’Ukraine ne sera libérée du pouvoir soviétique – disent-ils – que si les Polonais se limitent simplement à libérer l’Ukraine puis la transmettent … à Petlioura. Mais si les Polonais veulent utiliser l’Ukraine pour eux-mêmes – se plaint l’ambassadeur petliouriste – alors on ne pourra pas éviter un nouveau soulèvement soviétique en Ukraine ».
Ils n’ont pas encore tué l’ours qu’ils commencent déjà à se battre pour sa fourrure.
Pendant ce temps le commandement polonais se rue en avant sans se soucier du lendemain. A la fin d’avril, Pilsudski déclarait que les troupes polonaises se limiteraient à l’Ukraine de la rive droite. Mais, après les premières victoires facilement obtenues, ce plan prudent a été abandonné. Les troupes polonaises ont traversé le Dniepr dans les environs de Kiev. Des petits bandits locaux, que le pouvoir soviétique n’avait pas encore eu le temps d’exterminer, facilitèrent et accélérèrent l’avance des unités polonaises. Le flanc droit des troupes polonaises pénètre de plus en plus profondément dans les steppes ukrainiennes, le front polonais s’étire de plus en plus loin de sa base.
Pendant ce temps nos forces ne cessent de se concentrer sur notre front contre la Pologne. Tout le pays s’est réveillé et envoie vers l’ouest ses meilleurs fils et tout ce qu’il a pour ravitailler les soldats rouges, pour leur faciliter leur activité de combattants.
Grisée par les vapeurs du chauvinisme, la noblesse polonaise s’est ruée dans cette sauvage guerre criminelle. Jusqu’au dernier moment nous avons honnêtement défendu la cause de la paix et nous sommes entrés dans la guerre, la tête froide et l’esprit clair. L’ivrogne est capable de se lancer dans un assaut fou mais c’est l’homme sobre qui gagne. Car ce dernier calcule tous les dangers, prévoit toutes les possibilités, rassemble les forces nécessaires et, unissant la clarté de la pensée et la fermeté de la volonté, porte un coup décisif.
Que Varsovie la bourgeoise jubile d’une joie criminelle devant le sang absurdement versé. Bientôt va sonner l’heure où l’armée rouge montrera qu’elle sait l’emporter à l’ouest comme elle l’a emporté au nord, à l’est et au sud. A la fumée et à l’ivresse des faciles victoires polonaises va succéder une effrayante gueule de bois. La clique militaire de Pilsudski entraînera dans le gouffre où elle va sombrer les classes dirigeantes de la Pologne. La classe ouvrière polonaise se dressera pour s’emparer du gouvernail de l’Etat. Qu’une union fraternelle avec la Pologne soviétique couronne alors la victoire sur la contre-révolution polonaise.
13 mai 1920
Smolensk
V Pouti n° 115.
Mort à la bourgeoisie polonaise
Ecoutez, ouvriers, écoutez, paysans, écoutez, soldats rouges.
Un nouveau coup de poignard traître nous est porté dans le dos. La noblesse et la bourgeoisie polonaise ont déchaîné la guerre contre nous. Nous, gouvernement ouvrier et paysan nous faisons tout pour éviter une nouvelle effusion de sang. Nous avons donné l’ordre aux troupes de l’armée rouge de ne pas avancer. Nous avons dès le début ouvertement et honnêtement reconnu l’indépendance de la Pologne. Nous n’avons ni dans les faits ni dans les mots porté atteinte à son territoire. Nous sommes prêts à faire de grandes concessions et accepter de grands sacrifices. Nous avons proposé à la Pologne un armistice général sur tout le front. Mais il n’y a pas au monde de bourgeoisie plus avide, plus corrompue, plus effrontée, plus frivole et plus criminelle que la bourgeoisie nobiliaire de Pologne. Les aventuriers de Varsovie ont pris notre honnête volonté de paix pour un signe de faiblesse. Le gouvernement polonais a alors déclaré qu’il voulait « libérer » l’Ukraine, c’est-à-dire l’occuper avec ses troupes, la priver de son indépendance, l’asservir, l’écraser, la crucifier, rendre ses terres aux hobereaux, transformer l’ukrainien en esclave. La Biélorussie et la Lituanie gémissent sous le joug polonais. Maintenant le coup est dirigé contre l’Ukraine. Et maintenant la bourgeoisie polonaise exige un morceau de terre russe presque jusqu’à Smolensk même. Des dizaines de millions de prolétaires et de paysans ukrainiens et russes doivent devenir les bêtes de somme des grands seigneurs pillards.
Mais cela ne sera pas ! Nous tous, ouvriers, paysans, soldats, citoyens d’un grand pays, qui, le premier au monde, a brisé les chaines de l’esclavage bourgeois, nous jurons tous, comme un seul homme, de défendre la République soviétique contre les bandes polonaises déchaînées. Notre résistance sera impitoyable et irrésistible. Mort à la bourgeoisie polonaise ! Sur son cadavre nous conclurons une union fraternelle avec la Pologne ouvrière et paysanne.
29 avril 1920.
Télégramme postal n° 2886-a
(Aux camarades Tchitchérine, Lénine, Karakhan, Krestinski, Radek, Kamenev).
Nous venons tout juste de recevoir la nouvelle que nos armées ont repris Kiev. Les Polonais, en quittant la ville, ont fait sauter le château d’eau, la station d’électricité et la cathédrale de Vladimir. Même dans la guerre impérialiste on n’a pas assisté à des destructions aussi absurdes et aussi lâches. Les Allemands avaient saccagé une cathédrale parce qu’ils voulaient l’utiliser à des fins militaires, mais détruire un monument artistique dans le seul but de le détruire on n’a pas vu ça même au cours du carnage impérialiste.
La destruction du château d’eau condamne 600 ou 700000 habitants de la ville à d’effrayantes épidémies. La destruction de la station électrique de la ville va provoquer d’énormes calamités pour la population et n’a aucune portée militaire. Cet acte vise à faire le maximum de tort à cette population que Pilsudski et Petlioura veulent libérer de notre présence. Il faut donc développer sans tarder la plus large agitation.
Il faut que le comité de Moscou (du parti) envoie dans les rues des agitateurs qui aux carrefours et aux coins de rues racontent ces faits et appellent à les faire payer aux hobereaux polonais. Il faut aujourd’hui diffuser sur ce point de courts appels, les distribuer dans les rues et les coller sur les murs.
Il faut que l’agence Rosta mobilise son appareil, informe la province par radio et l’appelle à des manifestations de protestation et d’indignation.
Il faut dans toute notre agitation souligner la responsabilité directe de l’Angleterre et de la France pour les forfaits commis à Kiev et à Borissov. La cathédrale Vladimir, la station électrique, le château d’eau ont été détruits avec de la dynamite française et des bâtons de pyroxyline anglais par les mains des incendiaires français. Il faut examiner toutes les déclarations que Lloyd George fait à Krassine à la lumière des explosions de Kiev et de l’incendie de Borissov.
Nous en appelons aux représentants des ouvriers anglais, français, italiens et autres qui se trouvent sur notre territoire, nous en appelons au prolétariat de tous les pays en les invitant à exercer une vengeance impitoyable contre les classes dirigeantes qui arment les canailles de Varsovie pour leur permettre de commettre des crimes sans exemple dans l’histoire.
Dans l’agitation, outre les éléments cités ci-dessus, il faut souligner ce qui suit : nous répondrons en écrasant les hobereaux polonais, nous balaierons de la surface de la terre la barbarie des grands propriétaires et des capitalistes, mais nous ne nous vengerons pas sur le peuple travailleur polonais, avec qui nous cherchons à établir une union fraternelle. Nous ne détruirons ni les monuments de l’art ni les installations techniques comme le château d’eau, l’équipement électrique, etc. Au contraire, nous aiderons, autant que nous le pourrons, le peuple polonais libre et fraternel, ayant rejeté le joug de la bourgeoisie et de la noblesse, à reconstruire les installations techniques détruites.