En décembre 2019 est paru le numéro 84 des Cahiers du mouvement ouvrier. Ce numéro devait être le dernier publié en version papier. Mais la décision a été prise de publier un nouveau numéro papier exceptionnel par son contenu.
La revue a été fondée en 1998 avec le trotskyste russe Vadim Rogovine, alors même qu’en Occident se déchaînait une violente campagne, constamment reprise depuis lors, contre la révolution russe avec la publication en 1997 du Livre noir du communisme de Courtois, Werth, Panné, Paczkowski, Bartosek, Margolin et quelques autres. Face à une campagne visant à suggérer que le capitalisme – pourtant destructeur de l’homme, de la civilisation et de la nature – est éternel, la revue avait comme objectif d’éclairer – certes modestement – l’histoire du mouvement ouvrier qui s’est constitué contre lui et en particulier celle de la Révolution d’Octobre et de l’Opposition de gauche.
Vadim Rogovine mourut d’un cancer au moment de la publication du numéro 4, au début donc de l’entreprise. C’était l’époque de Boris Eltsine. Le grand hôpital de traitement du cancer au sud de Moscou où il était – si l’on peut dire ! – soigné, ne disposait d’aucun médicament. La directrice de l’hôpital elle-même me le confirma alors que, trop tard informé, je lui apportais ceux que m’avait donnés pour lui le cancérologue Léon Schwartzenberg. « Les seuls médicaments dont nous disposons, me déclara-t-elle alors, sont ceux qu’apportent les malades eux-mêmes ».
Depuis lors, les sommaires des numéros parus attestent de la richesse des documents et études publiés. Chacun peut en juger. Pourtant le Centre national du livre a refusé d’accorder la moindre aide – même symbolique – à la parution de la revue (alors qu’elle en accorde à une liste très large !!), en refusant, ainsi que les quatorze historiens membres de la commission chargée de donner son avis, tous partisans de la « démocratie »… donc de la transparence – de nous fournir la moindre explication de cette décision.
Depuis 1998 bien des choses ont changé. L’effondrement organisé de l’enseignement de l’histoire, son caractère idéologique de plus en plus prononcé, font du mouvement ouvrier et de son histoire un objet de plus en plus difficilement saisissable pour les nouvelles générations. En même temps le développement des nouvelles technologies tend à promouvoir de nouveaux modes de transmission des connaissances. Conséquence de cette double réalité, le nombre des abonnements aux Cahiers du mouvement ouvrier a chuté de plus de la moitié.
C’est pourquoi, à une publication sur papier, nous substituons un site internet (cahiersdumouvementouvrier.org) et un blog du même nom qui tenteront de répondre aux mêmes besoins que la revue. Comme l’écrivait Ronsard : si « la forme se perd la matière demeure ».
Jean-Jacques Marie