Fables

Jean-Jacques Marie

Le journaliste Vincent Présumey, qui se présente comme un « marxiste révolutionnaire », a créé son blog, installé sur le site de Mediapart. A propos des événements d’Ukraine, il y dénonce inlassablement « l’impéria­lisme russe ». Pour conforter cette dénonciation il évoque « cinq décennies de régime stalinien durant lesquels les Ukrainiens se sont fait traiter de nazis ».

Oui, « les Ukrainiens ». Vincent Présumey se garde bien de citer ses sources et de fournir une preuve de cette affirmation quelque peu grotesque, contraire à la vérité, et qui aurait sapé stupidement tous les efforts de la propagande officielle pour exalter « l’amitié entre les peuples » de l’URSS. Que cette « amitié » n’ait pas dépassé le stade de la propagande est une chose, mais elle interdisait l’affirmation inventée par Présumey.

Peut-être prend-il pour argent comptant la lourde plaisanterie de Nikita Khrouchtchev dans son rapport secret au XXe Congrès sur l’envie qu’aurait eue Staline de déporter les Ukrainiens s’ils avaient été moins nombreux. Mais Khrouchtchev, faisant éditer son discours secret pour les cadres du parti et même ses adhérents, a fait préciser après cette lourde plaisanterie : « Rires ». Apparemment, Présumey, qui semble pourtant être un grand spécialiste de l’ex-URSS, de la Russie et de l’Ukraine, à en juger par la pluie d’articles qu’il pond sur ces sujets, n’a pas compris la plaisanterie.

« Les hommes blancs, techno qui gagnent 4000 euros par mois » de l’ex-conseillère de Najat Vallaud-Belkacem.

Jean-Jacques Marie

Une certaine Caroline de Haas, ancienne conseillère de Mme Najat Vallaud-Belkacem, et, selon Le Journal du dimanche (13avril2014), « proche de Benoît Hamon », vient de quitter le Parti socialiste auquel elle avait adhéré en 2001. A peine a-t-elle fait ce saut qu’elle annonce la présentation d’une liste aux élections européennes du 24 mai sous le titre alléchant de « Féministes pour une Europe solidaire » (FPES).

D’après Le Journal du dimanche, qui y consacre près d’une demi-page, elle proclame avec force : « Nous, les anti­-austérité avons décidé de prendre les choses en main ». Et son programme re­pose sur quelques principes fermes, dont le suivant : « La politique ne doit pas être l’apanage des hommes blancs, techno qui gagnent 4000 euros par mois ».

Les en­nemis sont donc « les hommes blancs qui gagnent 4000 euros par mois ». En revanche, les hommes noirs et les femmes blanches échappent à la vindicte de cette féministe d’avant-garde. Cette définition, on le remarquera sans effort de réflexion excessif, ne vise aucun de ceux qui définissent et mettent en œuvre la politique dite, avec modération, d’«austé­rité», ni les dirigeants de l’Union européenne, ni ceux du Medef, ni les grands banquiers, ni les ministres du PS.

Gérard Grunberg, un chercheur de pointe …

Jean-Jacques Marie

Gérard Grunberg est politologue au Centre d’études européennes de Sciences Po, « spécialiste de la gauche », selon Libération, qui publie une interview de lui dans son numéro du 17 juin 2014.

Ce grand spécialiste qui salue « le choix courageux » de François Hollande avec le pacte de responsabilité stigmatise « l’incapacité ancienne des socialistes à réactualiser leur vision du monde (…). Le Parti socialiste, poursuit-il, est resté antilibéral et anticapitaliste dans un monde libéral et capitaliste. Bien que s’affirmant pour l’économie de marché, tout compromis entre l’Etat et le patronat relève à ses yeux de la compromission. Ce qui se passe actuellement avec le pacte de responsabilité et les 40 milliards d’allégements de charges prévus pour les entreprises est à cet égard révélateur ».

Une avancée de la « pensée américaine »

Marc Teulin

Une nouvelle division de la société en deux camps, d’un côté,  » femmes, homosexuels, minorités raciales, personnes vulnérables » de l’autre, « le mâle blanc hétéroriche » !

Judith Butler, officiellement « philosophe » et professeur à Berkeley, est l’une des mères porteuses de la théorie du genre qu’elle définit ainsi dans un entretien au Nouvel Observateur, daté du 5 décembre 2013 : « Le genre est toujours l’objet d’une discus­sion publique, ce n’est jamais une évidence donnée par la nature ».

Comment se conclut cette discussion publique pour aboutir à une réponse codifiée dans l’état civil ? Mystère !

Le Nouvel Observateur précise : « Vos travaux s’inscrivent dans une tendance de la pensée américaine qui s’intéresse aux victimes de la domination : les femmes et les homosexuels pour les “genderstudies”, les minorités raciales pour les “postocolonialstu­dies”, les personnes vulnérables pour la “théorie du care”. En face il y a un adversaire commun : le “mâle blanc hétéro riche”».

«Riche». Le Nouvel Observateur ne précise pas pourquoi … mais cela fait peu de monde par rapport à la masse des autres, et donc le « mâle noir hétéro riche », la femme blanche hétéro riche, la femme noire hétéro riche, le mâle blanc hétéro pauvre, etc., font partie de la masse des dominés, etc.

Mais ce « mâle blanc hétéro riche » est lui-même une victime qui s’ignore, car, précise Judith Butler, « il est l’objet de demandes variées auxquelles il doit se conformer. Vivre son hétérosexualité, sa « blanchitude », ses privilèges économiques, cela signifie se mouler dans les idéaux dominants, mais aussi refouler les autres aspects de sa personnalité ; sa part homosexuelle, sa part féminine, sa part noire (…). Parfois, lorsqu’il se regarde dans le miroir, il voit … une femme ! Et tout ce à quoi il croyait tombe en morceaux ! »

Le pauvre homme ( ou la pauvre femme, on ne sait plus ! )

Ah, la philosophie !

Jean-Jacques Marie

Le présent, c’est l’histoire de demain. Le journal d’aujourd’hui sera une source, parmi d’autres, de l’histoire que l’on écrira demain. D’où l’importance de savoir ce que vaut telle ou telle source d’information. On nous permettra donc de relever une superbe perle, certes sans intérêt historique en elle même, mais qui permet de juger de ce que vaut l’organe de presse où elle est publiée.

Dans le quotidien Libération, daté des samedi 21 et dimanche 22 décembre 2013, une dame qui répond au nom de Beatriz Preciado, présentée comme « philosophe, directrice du Programme d’études indépendantes au musée d’Art contemporain de Barcelone (Macha) », écrit, dans la rubrique « Idées » (sic!), sous le titre : « Droit des femmes au travail … sexuel », les lignes suivantes : « Le travailleur sexuel ne met pas son corps en vente, mais transforme, comme le font l’ostéopathe, l’acteur ou le publiciste, ses ressources somatiques et cognitives en force de production vive. Comme l’ostéopathe il/elle use de ses muscles, il/elle taille une pipe avec sa bouche avec la même précision que l’ostéopathe manipule le système musculo-squelettique de son client. Comme l’acteur, sa pratique relève de sa capacité à théâtraliser une scène de désir. Comme le publiciste, son travail consiste à créer des formes spécifiques de plaisir à travers la communication et la relation sociale. Comme tout travail, le travail sexuel est le résultat d’une coopération entre sujets vivants basée sur la production de symboles, de langage et d’affects » (page38).

La production de symboles est sans doute dans ce domaine particulièrement importante.

Le préservatif rose de la Verte

Annonçant la nomination d’Em­manuelle Cosse à la tête du parti Europe-Ecologie-LesVerts, Le Monde, daté du ven­dredi 29 novembre, résume sa biographie politique.

Elle commence par ces lignes qui méritent de passer à la postérité : « Issue du mouvement social, cette mère de 39 ans a un CV social bien rempli. A peine majeure, elle rejoint ACT-UP Paris ( … ). L’étudiante en droit sera de cette opération mémorable qui avait consisté, avec l’aide de Benetton, à recouvrir l’Obélisque de la Concorde d’un préservatif géant rose le 1er décembre 1993 ».

Opération mémorable sans doute à cause à la fois du caractère gigantesque du préservatif, de sa couleur rose et de la participation à cette action publicitaire … de Benetton, qui, on l’espère, mais on ne peut en être certain, n’avait pas fait fa­briquer ce préservatif géant au Bangladesh pour 30 euros par mois …

Torah Torah !

Jean-Jacques Marie

Roger-Pol Droit est, paraît-il, philosophe. C ‘est lui qui, en tout cas, anime la rubrique philosophie du « Monde des livres ». Dans le numéro du 18 janvier 2013, il fait une critique très élogieuse du dernier livre de Shmuel Trigano, Politique du peuple juif. Les Juifs, Israël et le monde. Au détour des compliments qu’il déverse à flots sur cet ouvrage, il fait un résumé lapidaire assez audacieux de l’existence des juifs au cours des deux derniers millénaires. Selon lui, ce « peuple, ni vraiment ethnie, ni vraiment communauté religieuse, a traversé, sans se dissoudre durant deux millénaires, l’exil et la dispersion en s’ancrant dans une langue, l’hébreu, une loi, la Torah ». On attendrait pour conforter une telle vision, pour le moins simplificatrice, que R. P. Droit nous donne un pourcentage des juifs français et américains, par exemple, qui parlent l’hébreu et se reconnaissent dans la torah … Cette vision culmine dans une phrase grandiose : « La loi juive, nous affirme R. P. Droit, représente effectivement la voix divine ». « Effectivement » ne laisse subsister aucun doute. Jeanne d’Arc n’est manifestement pas la seule à entendre des voix, d’autant qu’ici, il n’y en n’a plus qu’une.

« Un coup de hache dans le corps social »

François Olivier

En 1989, François Mitterrand avait confié la direction de la commémoration officielle de la Révolution française à l’histo­rien Jean-Noël Jeanneney. Le même Jeanneney présidait le comité scienti­fique des Rendez-vous de l’histoire de Blois.

Dans une interview au Monde (11oc­tobre), il affirme : « La Révolution fran­çaise, en 1789, constitue un coup de hache dans la nation, dans le corps social ; d’où une rupture qui va durer tout au long du XIXe siècle et une bonne par­tie du XXe siècle-mais progressivement, à mesure que la droite se rallie par vagues successives aux idéaux de 1789 (souligné par nous), on voit une certaine unité du regard s’organiser ».

Ainsi la droite se serait ralliée par vagues successives aux idéaux de 1789, donc à un événement qui a effectivement marqué « un coup de hache dans le corps social ». 1789 serait donc devenu un élément d’une union nationale. Les tonnes d’écrits qui dénigrent la Révolution française et la plupart de ses grands hommes attestent du contraire !

La veille, Jeanneney avait donné une interview au quotidien Ouest-France sur la commémoration de la guerre de 14-18. Il y déclare : « Cette Grande Guerre est un cataclysme affreux, en soi et par toutes les conséquences qu’elle a entraînées : fascisme, bolchevisme (souligné par nous), Secon­de Guerre mondiale… »

Le bolchevisme et donc la révolution d’Octobre sont des « cataclysme affreux ». C’est pourtant l’échec des révolutions allemande et autrichienne, sabotées par la social-démocratie, qui y sème les graines du fascisme en Allemagne et du brutal corpo­ratisme social-chrétien puis le fascisme en Autriche.

Alors que depuis les deux guerres balkaniques, n’importe quel incident mettra le feu aux poudres dont les barils regorgent, rappelant une formule de Voltaire (comme si l’histoire n’avait pas quelque peu progressé depuis l’auteur de L’Ingénu), il ose attribuer en grande partie la guerre à « Sa Majesté le hasard ». Et rappelant les détails de l’assassinat de François Ferdinand, il ajoute : « Je crois qu’une guerre repous­sée, retardée n’aura peut-être jamais lieu ». Donc les appétits des deux blocs d’alliance antagoniques, la volonté de maintenir ou de remodeler le partage du monde ne seraient que des éléments secondaires et contingents. La Grande Guerre ne naîtrait donc pas du choc d’impérialismes rivaux… mais d’on ne sait quoi et d’un in­cident, d’un accident, d’un coup de revolver ou de fusil, bref, du hasard. Certes une étincelle peut faire exploser un tonneau de poudre, mais il faut pour cela que le tonneau soit là et bien rempli. Or, en 1914, les tonneaux de poudre pullulent.

Voilà un historien vraiment bien complaisant qui nous jure : « Il faut commencer par honorer la vaillance des soldats »… victimes envoyées au massacre.

Mais jusqu’où iront-ils ?

« Commémorer la Grande Guerre peut être l’occasion de montrer qu’elle a en un sens cimenté l’Europe (souligné par nous). Alors que la crise des monnaies, de l’économie, de l’emploi et la récession même qui frappent les vingt-sept membres de l’Union européenne sont en passe de ronger les courages et les déterminations des citoyens, le souvenir commun de la Grande Guerre doit demeurer vivace pour contribuer à réorienter l’Europe libérale (souligné par nous) dans l’intérêt de toutes ses popula­tions et de la paix » (Nicolas Mathey, L’Humanité, 1er octobre 2013).

Marx en quatrième ?

Gérard Lorigny

J’ai trouvé cela dans le bulletin du conseil général de l’Hérault du mois de septembre 2013, dans un article relatant l’insertion de Louise, une élève handicapée, dans le collège de Castelnau-Ie-Lez.

La rédactrice de l’article, Yolande Côté, a pu suivre l’élève dans sa classe et raconte ce qu’elle a vu et entendu.

“Aujourd’hui, Karl Marx et le communisme sont à l’étude (dans une classe de quatrième ! ). Lecture d’un extrait du Manifeste, échanges entre le professeur et les collégiens. Au mur, Karl Marx apparaît en projection. Que pensez-vous de ce personnage (car,bien sûr, tout le matérialisme dialectique se lit sur son visage – NDR) ? Plusieurs mains se lèvent. Yacine est invité à répondre : “Il a une barbe, donc il est juif ! ” Etonnement du professeur qui réajuste, stoppe la machine à clichés ! Margaux poursuit : “Il a de l’argent car il a pu se faire prendre en photo”. Marx prend forme avec les hypothèses des uns et des autres… (un juif plein aux as-NDLR). Que savez-vous du prolétariat ? Lucas, empressé de répondre, lève la main. Hésitations, puis : “Heu… m’en souviens plus…” Louise, elle, sait : “Prolétariat, ce sont les pauvres”... Le cours se termine, Karl Marx a été mis à sa juste place ».

Un petit juif plein aux as et préten­tieux qui s’occupe des pauvres ! De quoi se mêle-t-il ? Pauvre école, pauvres élèves ! Je ne sais pas si l’enseignante, Véronique Sizaret-Montbrun, a lu ce compte rendu de sa leçon et si elle en est satisfaite. Et le président du conseil général, M. André Vezinhet ?