« Le FSB est le principal terroriste » Azat Miftakhov, mars 2024

du site Samizdat 2 : la voix de l’opposition russe…

Transmis par Karel, Jean Pierre et Robert

Pour la consultation des sites : le texte apparait en russe, si la traduction ne se fait pas automatiquement, ouvrir le menu contextuel et cliquer sur « traduire en français ».

 

Commentaire de Robert :
Azat Miftakhov s’adresse à tous ceux qui se sont mobilisés pour lui à l’échelle internationale : répondons à son dernier mot devant le tribunal en faisant connaitre largement son message et rejoignons les initiatives qui ont été prises ici en France en sa faveur. Pour la démocratie c’est contribuer à isoler le dernier tzar stalinien du Kremlin ! Et c’est un outil aussi indispensable que des obus !

https://posle.media/fsb-glavnyj-terrorist/

Ce printemps, le mathématicien et anarchiste Azat Miftakhov a été condamné pour la deuxième fois sur la base de preuves fabriquées de toutes pièces. Après avoir purgé quatre ans de prison pour avoir prétendument brisé la vitre du bureau de Russie Unie, le jeune homme a reçu une nouvelle accusation à sa sortie des cachots – il aurait déjà « justifié le terrorisme » dans la colonie. Après avoir entendu des témoins, dont certains sont en prison, et d’autres sont classifiés, le parquet a requis trois ans. Après le dernier mot d’Azat, le juge lui a accordé un an de plus.
Formellement, cette affaire n’est pas anti-guerre. Mais on sait que dans la colonie, Azat a dissuadé les gens de s’enrôler dans la guerre et a également refusé de participer aux défilés du 9 mai. S’exprimant lors de la dernière audience du tribunal dans la deuxième affaire, le 29 mars 2024 à Ekaterinbourg, Azat a consacré la moitié de son discours à un camarade qui a combattu aux côtés de l’Ukraine et est mort en défendant Bakhmut.
On peut supposer que, comme de nombreux militants anti-guerre, Azat ne se manifestera que lorsqu’une transformation sérieuse du régime commencera. Le sachant très bien, il a fait sa déclaration finale, qui est devenue en soi un geste politique et militant.

***

Au cours de mes années d’emprisonnement dans une précédente affaire pénale, je ne me suis jamais enflammé d’amour pour l’État – et me voilà de nouveau sur le banc des accusés. Aujourd’hui, je suis jugé pour ce que les forces de sécurité voulaient appeler une justification du terrorisme, en falsifiant les preuves de la même manière qu’il y a cinq ans. L’évidence et l’impudence d’une telle falsification ne les dérangent pas du tout, et font même leur jeu. On dirait qu’ils nous disent : « On peut emprisonner n’importe qui, et ça ne nous coûte rien ».
Nous constatons la même impudence dans de nombreux cas de recours à la torture inhumaine par les gardes du régime du FSB, alors que ces gardes ne se soucient pas que leurs actes honteux soient rendus publics. Au contraire, ces actes sont affichés comme une source de fierté. De cette manière, l’État révèle son essence terroriste, que les anarchistes avaient soulignée avant les dernières élections présidentielles, en descendant dans la rue avec le slogan « Le FSB est le principal terroriste ».
Aujourd’hui, ce que nous disions à l’époque est devenu une évidence non seulement dans notre pays, mais dans le monde entier. Nous voyons maintenant comment toute la politique étrangère et intérieure de l’État se réduit à un tapis roulant de meurtres et d’intimidations. Alors que de faux témoins prouvent ma justification du terrorisme, les appels au meurtre massif de ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique de l’État sont entendus avec force sur les chaînes fédérales. On voit que l’État, tout en proclamant verbalement la lutte contre le terrorisme, cherche en réalité à maintenir son monopole sur le terrorisme.
Cependant, quelle que soit la manière dont les agents de sécurité tentent d’intimider la société civile, même en ces temps sombres, nous voyons des gens qui trouvent le courage de résister à la terreur qui s’est propagée au-delà des frontières de l’État. Au péril non seulement de la liberté, mais aussi de la vie, ils réveillent par leurs actions la conscience de notre société, dont nous ressentons si cruellement aujourd’hui le manque, et leur résilience jusqu’au bout devient un exemple pour nous tous.
Un exemple pour moi est celui de mon ami et camarade Dmitri Petrov (alias Dima Ecologist), décédé en défendant Bakhmut contre des soldats devenus un instrument de l’impérialisme. Je l’ai connu comme un ardent anarchiste qui, sous la dictature, a tout fait pour nous conduire vers une société fondée sur les principes de l’entraide et de la démocratie directe.
Diplômé de la Faculté d’histoire de l’Université d’État de Moscou et candidat en sciences historiques, il connaissait bien ses convictions concernant la structure de la société et savait bien argumenter sa position, ce qui m’a toujours manqué. Dans le même temps, il ne se limite pas à théoriser, mais participe activement à l’organisation du mouvement partisan, ce qui n’échappe pas à l’attention du FSB. Pour cette raison, il a été contraint de poursuivre ses activités anarchistes en Ukraine.
Lorsque les événements sombres des deux dernières années ont commencé, il n’a pas pu rester à l’écart et, en tant que camarade entreprenant, il a cherché à créer une association de personnes à l’esprit libertaire luttant pour la liberté des peuples d’Ukraine et de Russie. Malheureusement, aucune guerre n’est complète sans victimes, et Dima en fait partie. Ce serait injustifiablement égoïste de ma part d’admirer l’altruisme de personnes que je ne connais pas et de ne pas accepter le sacrifice de ceux qui me tiennent personnellement à cœur. J’en suis bien conscient, même si je regrette que toutes mes communications avec lui appartiennent désormais à un passé irrévocable.
Et pourtant, j’ai du mal à accepter cette perte : sachant qu’il était l’un des meilleurs d’entre nous, et voulant tout mettre en œuvre pour que son sacrifice ne soit pas vain, je dois admettre que ma contribution sera insignifiant comparé à ce dont il était capable.
Peut-être que ce qui précède était inattendu pour certains. Il est possible que certains de ceux qui me soutiennent soient déçus, car, malheureusement, il peut être difficile pour moi de m’exprimer publiquement. Peut-être que quelqu’un ne sera pas d’accord avec mes convictions qui vont à l’encontre du pacifisme.
Cependant, tout en essayant d’être rationnel en tout, je rejette la croyance en des entités non prouvées. Entre autres choses, je ne crois pas à la justice du monde. Je ne crois pas que tout mal soit puni de lui-même. C’est pourquoi je soutiens la résistance active à ce mal et la lutte pour un monde meilleur pour nous tous.
Mais même si certains de mes soutiens ne partagent pas toutes mes convictions, je leur suis néanmoins reconnaissant pour toute l’aide qu’ils m’ont apportée.
Je suis reconnaissant à tous ceux qui m’ont écrit des lettres pleines de chaleur et de bons vœux. Même étant aussi sourd que l’était la colonie, j’en recevais des piles presque chaque semaine. Je suis sûr qu’une telle attention à mon égard a dû être prise en compte par ceux qui cherchaient à me soumettre. Je suis très heureux et touchant que les gens partagent avec moi un morceau de leur vie, qu’il s’agisse d’impressions joyeuses ou d’expériences tristes. Chaque lettre me tient très à cœur et je n’en laisse jamais une seule sans être lue.
Un grand merci à tous ceux qui m’apportent un soutien financier grâce auquel pendant toutes mes années d’emprisonnement je n’ai jamais eu besoin de rien. Il est arrivé que l’argent destiné à mon soutien ait pris fin, mais dès que j’ai poussé un cri, en quelques jours, des gens attentionnés ont de nouveau ramené mon budget à un niveau calme. C’est très agréable et impossible à oublier. Un merci spécial à Vladimir Akimenkov, qui organise depuis plus de dix ans des collectes de fonds en faveur des prisonniers politiques, dont moi-même.
Je suis extrêmement [reconnaissant] envers les militants des collectifs FreeAzat et Solidarité FreeAzat, qui organisent avec moi des actions et des événements de solidarité dont l’ampleur époustoufle mon imagination. Votre récente campagne « Mille et une lettres » en fait partie. Après avoir lu toutes ces lettres, j’ai été agréablement surpris d’apprendre qu’on s’inquiétait pour moi dans des dizaines de pays différents. Merci beaucoup à tous ceux qui ont participé à cet événement, montrant à quel point vous me soutenez.
Je suis extrêmement reconnaissant envers les mathématiciens du monde entier, et en particulier envers le comité Azat Miftakhov, qui m’apporte mon soutien dans le milieu mathématique. Cela me touche beaucoup que les personnes que j’admire, dont je rêve d’atteindre un jour le niveau scientifique, me connaissent et expriment leur solidarité.
Un immense merci à tous ceux qui ont parlé publiquement de moi. Et un merci tout spécial à Mikhaïl Lobanov, qui, pour son soutien actif à mon égard, a été contraint d’émigrer en France. Mais même là-bas, malgré toutes ses difficultés d’émigration, sa solidarité avec moi est aussi forte qu’avant.
Un grand merci aux militants russes, y compris ceux qui ne font pas partie des groupes mentionnés ci-dessus, qui, par solidarité avec moi, risquent leur confort sous la dictature. Je suis très reconnaissant à tous les auditeurs de ce processus qui sont venus me soutenir de leur présence. Certains d’entre vous ont parcouru des centaines de kilomètres pour ce faire, tandis que d’autres l’ont fait plus d’une ou deux fois. Une fois de plus, j’ai été agréablement surpris par une telle attention à mon égard.
Un grand merci à tous les honnêtes professionnels de la presse qui, par leur travail, aident le public à suivre mon procès.
Je remercie ma défenseure Svetlana Sidorkina pour son dévouement au travail, avec lequel elle me défend lors des essais. Je ne cesse d’admirer son professionnalisme et je suis convaincu que j’ai beaucoup de chance de l’avoir. Enfin, je tiens à remercier Léna, mon principal soutien lors de mes épreuves. Avec tout son dévouement, elle m’aide à surmonter toutes les difficultés de mon emprisonnement. Et en plus, je suis heureux de l’aimer.
Je termine mes remerciements et en même temps je ne peux me débarrasser du sentiment que j’ai peut-être oublié quelqu’un. C’est une conséquence du soutien colossal qui ne m’a pas quitté depuis mon arrestation. Je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à avoir reçu votre soutien. Que malgré les sombres événements de ces dernières années, votre solidarité ne connaît pas de frontières territoriales. C’est ce qui me donne l’espoir d’un avenir radieux pour nous tous.

« Le FSB est le principal terroriste » Dernier mot d’Azat Miftakhov

du site Samizdat 2 : la voix de l’opposition russe…

Transmis par Karel, Jean Pierre et Robert

Pour la consultation des sites : le texte apparait en russe, si la traduction ne se fait pas automatiquement, ouvrir le menu contextuel et cliquer sur « traduire en français ».

Azat Miftakhov
Commentaire de Robert :
Azat Miftakhov s’adresse à tous ceux qui se sont mobilisés pour lui à l’échelle internationale : répondons à son dernier mot devant le tribunal en faisant connaitre largement son message et rejoignons les initiatives qui ont été prises ici en France en sa faveur. Pour la démocratie c’est contribuer à isoler le dernier tzar stalinien du Kremlin ! Et c’est un outil aussi indispensable que des obus !

https://posle.media/fsb-glavnyj-terrorist/

Ce printemps, le mathématicien et anarchiste Azat Miftakhov a été condamné pour la deuxième fois sur la base de preuves fabriquées de toutes pièces. Après avoir purgé quatre ans de prison pour avoir prétendument brisé la vitre du bureau de Russie Unie, le jeune homme a reçu une nouvelle accusation à sa sortie des cachots – il aurait déjà « justifié le terrorisme » dans la colonie. Après avoir entendu des témoins, dont certains sont en prison, et d’autres sont classifiés, le parquet a requis trois ans. Après le dernier mot d’Azat, le juge lui a accordé un an de plus.
Formellement, cette affaire n’est pas anti-guerre. Mais on sait que dans la colonie, Azat a dissuadé les gens de s’enrôler dans la guerre et a également refusé de participer aux défilés du 9 mai. S’exprimant lors de la dernière audience du tribunal dans la deuxième affaire, le 29 mars 2024 à Ekaterinbourg, Azat a consacré la moitié de son discours à un camarade qui a combattu aux côtés de l’Ukraine et est mort en défendant Bakhmut.
On peut supposer que, comme de nombreux militants anti-guerre, Azat ne se manifestera que lorsqu’une transformation sérieuse du régime commencera. Le sachant très bien, il a fait sa déclaration finale, qui est devenue en soi un geste politique et militant.

***

Au cours de mes années d’emprisonnement dans une précédente affaire pénale, je ne me suis jamais enflammé d’amour pour l’État – et me voilà de nouveau sur le banc des accusés. Aujourd’hui, je suis jugé pour ce que les forces de sécurité voulaient appeler une justification du terrorisme, en falsifiant les preuves de la même manière qu’il y a cinq ans. L’évidence et l’impudence d’une telle falsification ne les dérangent pas du tout, et font même leur jeu. On dirait qu’ils nous disent : « On peut emprisonner n’importe qui, et ça ne nous coûte rien ».
Nous constatons la même impudence dans de nombreux cas de recours à la torture inhumaine par les gardes du régime du FSB, alors que ces gardes ne se soucient pas que leurs actes honteux soient rendus publics. Au contraire, ces actes sont affichés comme une source de fierté. De cette manière, l’État révèle son essence terroriste, que les anarchistes avaient soulignée avant les dernières élections présidentielles, en descendant dans la rue avec le slogan « Le FSB est le principal terroriste ».
Aujourd’hui, ce que nous disions à l’époque est devenu une évidence non seulement dans notre pays, mais dans le monde entier. Nous voyons maintenant comment toute la politique étrangère et intérieure de l’État se réduit à un tapis roulant de meurtres et d’intimidations. Alors que de faux témoins prouvent ma justification du terrorisme, les appels au meurtre massif de ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique de l’État sont entendus avec force sur les chaînes fédérales. On voit que l’État, tout en proclamant verbalement la lutte contre le terrorisme, cherche en réalité à maintenir son monopole sur le terrorisme.
Cependant, quelle que soit la manière dont les agents de sécurité tentent d’intimider la société civile, même en ces temps sombres, nous voyons des gens qui trouvent le courage de résister à la terreur qui s’est propagée au-delà des frontières de l’État. Au péril non seulement de la liberté, mais aussi de la vie, ils réveillent par leurs actions la conscience de notre société, dont nous ressentons si cruellement aujourd’hui le manque, et leur résilience jusqu’au bout devient un exemple pour nous tous.
Un exemple pour moi est celui de mon ami et camarade Dmitri Petrov (alias Dima Ecologist), décédé en défendant Bakhmut contre des soldats devenus un instrument de l’impérialisme. Je l’ai connu comme un ardent anarchiste qui, sous la dictature, a tout fait pour nous conduire vers une société fondée sur les principes de l’entraide et de la démocratie directe.
Diplômé de la Faculté d’histoire de l’Université d’État de Moscou et candidat en sciences historiques, il connaissait bien ses convictions concernant la structure de la société et savait bien argumenter sa position, ce qui m’a toujours manqué. Dans le même temps, il ne se limite pas à théoriser, mais participe activement à l’organisation du mouvement partisan, ce qui n’échappe pas à l’attention du FSB. Pour cette raison, il a été contraint de poursuivre ses activités anarchistes en Ukraine.
Lorsque les événements sombres des deux dernières années ont commencé, il n’a pas pu rester à l’écart et, en tant que camarade entreprenant, il a cherché à créer une association de personnes à l’esprit libertaire luttant pour la liberté des peuples d’Ukraine et de Russie. Malheureusement, aucune guerre n’est complète sans victimes, et Dima en fait partie. Ce serait injustifiablement égoïste de ma part d’admirer l’altruisme de personnes que je ne connais pas et de ne pas accepter le sacrifice de ceux qui me tiennent personnellement à cœur. J’en suis bien conscient, même si je regrette que toutes mes communications avec lui appartiennent désormais à un passé irrévocable.
Et pourtant, j’ai du mal à accepter cette perte : sachant qu’il était l’un des meilleurs d’entre nous, et voulant tout mettre en œuvre pour que son sacrifice ne soit pas vain, je dois admettre que ma contribution sera insignifiant comparé à ce dont il était capable.
Peut-être que ce qui précède était inattendu pour certains. Il est possible que certains de ceux qui me soutiennent soient déçus, car, malheureusement, il peut être difficile pour moi de m’exprimer publiquement. Peut-être que quelqu’un ne sera pas d’accord avec mes convictions qui vont à l’encontre du pacifisme.
Cependant, tout en essayant d’être rationnel en tout, je rejette la croyance en des entités non prouvées. Entre autres choses, je ne crois pas à la justice du monde. Je ne crois pas que tout mal soit puni de lui-même. C’est pourquoi je soutiens la résistance active à ce mal et la lutte pour un monde meilleur pour nous tous.
Mais même si certains de mes soutiens ne partagent pas toutes mes convictions, je leur suis néanmoins reconnaissant pour toute l’aide qu’ils m’ont apportée.
Je suis reconnaissant à tous ceux qui m’ont écrit des lettres pleines de chaleur et de bons vœux. Même étant aussi sourd que l’était la colonie, j’en recevais des piles presque chaque semaine. Je suis sûr qu’une telle attention à mon égard a dû être prise en compte par ceux qui cherchaient à me soumettre. Je suis très heureux et touchant que les gens partagent avec moi un morceau de leur vie, qu’il s’agisse d’impressions joyeuses ou d’expériences tristes. Chaque lettre me tient très à cœur et je n’en laisse jamais une seule sans être lue.
Un grand merci à tous ceux qui m’apportent un soutien financier grâce auquel pendant toutes mes années d’emprisonnement je n’ai jamais eu besoin de rien. Il est arrivé que l’argent destiné à mon soutien ait pris fin, mais dès que j’ai poussé un cri, en quelques jours, des gens attentionnés ont de nouveau ramené mon budget à un niveau calme. C’est très agréable et impossible à oublier. Un merci spécial à Vladimir Akimenkov, qui organise depuis plus de dix ans des collectes de fonds en faveur des prisonniers politiques, dont moi-même.
Je suis extrêmement [reconnaissant] envers les militants des collectifs FreeAzat et Solidarité FreeAzat, qui organisent avec moi des actions et des événements de solidarité dont l’ampleur époustoufle mon imagination. Votre récente campagne « Mille et une lettres » en fait partie. Après avoir lu toutes ces lettres, j’ai été agréablement surpris d’apprendre qu’on s’inquiétait pour moi dans des dizaines de pays différents. Merci beaucoup à tous ceux qui ont participé à cet événement, montrant à quel point vous me soutenez.
Je suis extrêmement reconnaissant envers les mathématiciens du monde entier, et en particulier envers le comité Azat Miftakhov, qui m’apporte mon soutien dans le milieu mathématique. Cela me touche beaucoup que les personnes que j’admire, dont je rêve d’atteindre un jour le niveau scientifique, me connaissent et expriment leur solidarité.
Un immense merci à tous ceux qui ont parlé publiquement de moi. Et un merci tout spécial à Mikhaïl Lobanov, qui, pour son soutien actif à mon égard, a été contraint d’émigrer en France. Mais même là-bas, malgré toutes ses difficultés d’émigration, sa solidarité avec moi est aussi forte qu’avant.
Un grand merci aux militants russes, y compris ceux qui ne font pas partie des groupes mentionnés ci-dessus, qui, par solidarité avec moi, risquent leur confort sous la dictature. Je suis très reconnaissant à tous les auditeurs de ce processus qui sont venus me soutenir de leur présence. Certains d’entre vous ont parcouru des centaines de kilomètres pour ce faire, tandis que d’autres l’ont fait plus d’une ou deux fois. Une fois de plus, j’ai été agréablement surpris par une telle attention à mon égard.
Un grand merci à tous les honnêtes professionnels de la presse qui, par leur travail, aident le public à suivre mon procès.
Je remercie ma défenseure Svetlana Sidorkina pour son dévouement au travail, avec lequel elle me défend lors des essais. Je ne cesse d’admirer son professionnalisme et je suis convaincu que j’ai beaucoup de chance de l’avoir. Enfin, je tiens à remercier Léna, mon principal soutien lors de mes épreuves. Avec tout son dévouement, elle m’aide à surmonter toutes les difficultés de mon emprisonnement. Et en plus, je suis heureux de l’aimer.
Je termine mes remerciements et en même temps je ne peux me débarrasser du sentiment que j’ai peut-être oublié quelqu’un. C’est une conséquence du soutien colossal qui ne m’a pas quitté depuis mon arrestation. Je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à avoir reçu votre soutien. Que malgré les sombres événements de ces dernières années, votre solidarité ne connaît pas de frontières territoriales. C’est ce qui me donne l’espoir d’un avenir radieux pour nous tous.

URGENT : Ouverture du procès d’Azat Miftakhov

Chers soutiens d’Azat Miftakhov,
Je vous donne une information importante. Le procès d’Azat Miftakhov s’ouvre lundi prochain, 12 février. Etant donné que ni Azat, ni son avocate ne pourront être présents, cette première audience servira à fixer la date de l’audience suivante, qui pourrait avoir lieu rapidement après.
Concernant la campagne des 1001 lettres,  Azat a été mis au courant et a été très touché. Son épouse, Elena, lui a envoyé des extraits de quelques lettres, dans ses propres envois.
Pour ceux qui désirent participer à cette campagne, il est encore temps. Cela peut se faire en trois minutes.
Il suffit d’écrire une lettre personnelle ou de signer la lettre type sur le google form : Lettre à Azat / Letter for Azat – Google Forms
Ou encore il suffit d’écrire quelques mots de soutien à : libertepourazat@gmail.com
Nous réunissons les lettres pour Azat jusqu’à dimanche 11 février.
Au moment où je vous écris, nous avons collecté près de 700 lettres de très nombreux pays des 5 continents : France, Russie, Belgique, Nicaragua, Mexique, Allemagne, Lituanie, Ecosse, Suisse, Italie, Pologne, Canada, Finlande, Australie, Ossétie du Sud, Angleterre, Etats-Unis, Arménie, Géorgie, Bulgarie, Kazakhstan, Israël, Thaïlande, Serbie, Pays-Bas, Norvège, Argentine, Kirghizstan, Ukraine, Slovénie, Slovaquie, Espagne, Monténégro, Chypre, Mali, Moldavie, Danemark, Tchéquie, Estonie, Corée du Sud, Irlande, Autriche, Nouvelle-Zélande, Kenya, Ghana, Côte d’Ivoire, Brésil, Inde, Egypte, Turquie.
La semaine dernière, Le Monde diplomatique brésilien a publié un très long article sur Azat. Cet article a été l’un des plus lus de la semaine.
Monsieur Patrick Baudouin, Président de La Ligue des droits de l’Homme, a adressé une lettre à Azat, que vous trouverez en pièce jointe.
Enfin, je vous informe que lundi 29 janvier, nous avons lancé une action sur les réseaux sociaux russes pour faire connaître notre campagne. La campagne d’Azat a été l’un des messages les plus « repostés », notamment par de grands blogueurs russes et a atteint des sommets dans les algorithmes. Par conséquent, nous avons reçu 300 lettres en deux jours.
Pour finir, je me permets d’insister sur le fait que trois clics sur un google form ou quelques mots envoyés par mail suffisent à alimenter la campagne de soutien d’Azat.
Bien cordialement,
Marie-Laetitia Garric
Présidente de Solidarité FreeAzat

Des centaines de personnes sont venues sur la place centrale d’Oufa, certaines ont été arrêtées

Paru dans :   Samizdat 2 : la voix de l’opposition russe…

écrit en Russie et transmis par Karel, Jean Pierre et Robert
Commentaire de Karel : Ça manifeste dans les monts Oural, où séjournaient Jeannette et Maurice (Thorez bien sûr)
Un partisan d’Alsynov, qui a ensuite été arrêté
Dans la capitale du Bachkortostan, Oufa, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sur la place centrale de Salavat Yulaev dans la matinée du 19 janvier. La publication SotaVision a estimé leur nombre à un millier et demi. Les partisans du militant Fail Alsynov, récemment condamné à 4 ans de prison, ont appelé à l’action sur les réseaux sociaux. Le jour de sa condamnation, des affrontements entre manifestants et policiers ont eu lieu dans la ville de Baymak.
Les gens rassemblés à Oufa ont marché autour de la place, dansé en rond et chanté des chants bachkirs. Ils ont dit à la police qu’ils ne faisaient que marcher.
Regarder les vidéos de cet article à l’adresse ci-dessous….
https://www-svoboda-org.translate.goog/a/na-tsentraljnuyu-ploschadj-ufy-vyshli-sotni-lyudey-estj-zaderzhaniya/32783037.html?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr
La police anti-émeute a arrêté plusieurs personnes, dont une jeune fille avec une affiche contenant des paroles du discours d’Alsynov et un homme avec le drapeau du Bachkortostan.
La police a déclaré au correspondant de la chaîne de télégrammes «Il était une fois en Bachkirie» qu’il n’y avait pas eu d’arrestations formelles et que la police avait simplement «escorté» plusieurs personnes de la place. Cependant, les arrestations se sont poursuivies par la suite. Les personnes rassemblées ont tenté d’empêcher un chariot de la police d’emmener quatre détenus hors de la place, et un affrontement a eu lieu avec la police anti-émeute. Au total, plus d’une dizaine de détenus sont signalés. Par la suite, la plupart des manifestants se sont dispersés.
Le ministère de l’Intérieur du Bachkortostan avait précédemment mis en garde contre la responsabilité de la participation à une action non coordonnée.
Mercredi, devant le palais de justice de Baymak, où le militant écologiste Fail Alsynov a été condamné dans la matinée, une manifestation non coordonnée s’est poursuivie pendant plusieurs heures. Plusieurs milliers de personnes ont exigé la libération du défenseur du mont Kouchtau.
La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes et a frappé les manifestants à coups de matraque. À la suite de cette action, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées. Une vingtaine de manifestants ont demandé une aide médicale. Plusieurs personnes ont ensuite été placées en détention administrative.
La commission d’enquête a ouvert une procédure pénale en vertu d’articles sur l’organisation et la participation à des émeutes de masse, ainsi que sur le recours à la violence contre des représentants du gouvernement.
Neuf manifestants à Baymak ont été arrêtés pour des périodes allant de 8 à 15 jours en vertu d’un article de désobéissance à un policier. C’est ce qu’a rapporté le service de presse commun des tribunaux régionaux.
Le chef du Bachkortostan, Radiy Khabirov, commentant jeudi les affrontements entre les partisans d’Alsynov et la police au palais de justice de Baymak, a déclaré qu’il ne « tolérerait pas l’extrémisme et les tentatives visant à affaiblir la situation » et qu’il « montrerait le vrai visage de la situation ». organisateurs », qu’il a accusé de séparatisme.
Le défenseur de Kouchtau Fail Alsynov a été accusé d’incitation à la haine ou à l’inimitié. Il n’admet pas sa culpabilité. Auparavant, Alsynov dirigeait l’organisation Bashkort, que les autorités russes ont reconnue en 2020 comme extrémiste, interdisant ses activités dans le pays. Le chef du Bachkortostan, Radiy Khabirov, a exigé que le militant soit poursuivi pénalement pour « avoir mené des activités extrémistes » et « appelé à des manifestations contre l’État ».
En 2018, le shikhan (montagne) de Kushtau a été transféré à la société de soude bachkir pour l’extraction de chaux ; les résidents locaux ont commencé à s’opposer à cette décision. Après les manifestations, de nombreux militants qui s’étaient prononcés en faveur de Kushtau ont fait l’objet d’accusations administratives et pénales.

« Injuriant Staline, le traitant de « bâtard grêlé ». Le sort de l’artiste réprimé Alexei Gan »

Extrait de :

Samizdat 2 : la voix de l’opposition russe…

Rédigé en Russie et transmis par Karel, Jean Pierre et Robert
Pour la consultation des sites : le texte apparait en russe, si la traduction ne se fait pas automatiquement, ouvrir le menu contextuel et cliquer sur « traduire en français ».
Commentaire de Karel : 

C’est une offensive sans précédent depuis 1956, menée par Poutine, destinée à justifier les crimes de Staline et oublier les victimes. De la « déstalinisation contrôlée » par le XX° congrès à la réhabilitation très préparée de Staline et de ses crimes par l' « opération spéciale ! » 

De l’opposition « littéraire » à l’opposition « proprement politique » de notre Samizdat I, l’opposition artistique à Non à la guerre de Poutine de notre Samizdat II. 

Il est impératif aujourd’hui de ne pas se contenter d’affirmer platement que « l’histoire s’accélère. »

Alexey Gan sur une moto photo de A. Rodchenko 1924

À Novossibirsk, a eu lieu la présentation d’un livre sur l’artiste et théoricien constructiviste Alexei Gan, exécuté ici en 1942. Son nom est presque inconnu du grand public ; même ses proches ne savaient pas qu’il avait été réprimé et exécuté pendant de nombreuses décennies.

« Entre Rodchenko et Malevitch »

Feuille dactylographiée. « Extrait du procès-verbal de la réunion spéciale du NKVD » du 19 août 1942. Les verbes à l’impératif sont en majuscules. Le nom de famille de la personne exécutée est en baisse, mais les agents de sécurité ne le savaient pas ou l’ont ignoré.

«Gan Alexeï Mikhaïlovitch pour agitation antisoviétique en temps de guerre devrait être TIRÉ.

Les biens personnels seront CONFISQUÉS.

La sentence fut exécutée le 9/8 1942. »

Extrait du site Web du musée de Tomsk « Prison d’enquête du NKVD »

L’« extrait » et quelques autres documents du cas d’Alexei Gan ont été publiés sur le site Internet du musée de Tomsk « Prison d’investigation du NKVD ». On ne sait pas exactement où sont enterrées les restes d’Alexeï Gan, l’une des figures clés du constructivisme soviétique. Comme l’a déclaré à Sibir.Realii Alexandre Roudnitski , qui a dirigé le Mémorial de Novossibirsk pendant de nombreuses années, il existait un décret selon lequel les «ennemis du peuple» exécutés étaient enterrés en secret, sans laisser de traces sur les lieux de sépulture.

Gan a passé les dernières semaines de sa vie dans la prison de transit n°1 de Novossibirsk. C’est probablement là qu’il a été abattu et secrètement enterré – une pratique généralement acceptée par les autorités répressives soviétiques de l’époque.

Beaucoup de documents scannés ou des photos intéressantes à consulter directement sur le site traduit en français :

Lire la suite :

https://www-sibreal-org.translate.goog/a/sudba-repressirovannogo-hudozhnika-alekseya-gana/32746161.html?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr


 

 

 

 

Arrêté fin décembre 2022, le mathématicien Mikhail Lobanov, libéré après une campagne internationale, raconte…

Moscou, 29 Décembre 2022, un mathématicien arrêté et torturé

par Alexei Sakhnin et Elizaveta Smirnova.

Moscou, 29 décembre, 6 heures du matin. La police force l’entrée de l’appartement du mathématicien et homme politique russe de gauche Mikhail Lobanov. Porte sciée à la disqueuse. Mikhail est passé à tabac par policiers et hommes en civil. Sol jonché de traces de sang. Perquisition de plus de trois heures. Bien sûr, interdiction totale d’appeler un médecin ou un témoin pour constater les coups et blessures. La police refuse même que Lobanov appelle un avocat. Par la suite, elle interdira à l’avocat d’entrer dans le commissariat où Lobanov a été conduit pour entamer sa procédure.
Le politique est conduit au tribunal uniquement en soirée : l’heure de fermeture du tribunal est déjà passée, bon prétexte pour empêcher les militants et les journalistes d’entrer. Mikhail est jugé pour « résistance aux forces de l’ordre ». Le juge se contente de tamponner un jugement pré-écrit : 15 jours d’emprisonnement. Mais aujourd’hui, ce qui risque fort d’arriver, c’est que pendant que le militant purge ses 15 jours, des poursuites pénales soient engagées contre lui, pour « propos mensongers sur l’action de l’armée russe ». Cet article du code pénal, adopté au printemps par une Douma inféodée à Poutine, poursuit les auteurs de toute forme de critique sur la guerre engagée par le régime de Poutine en Ukraine. C’est exactement ce qui s’est passé ces derniers mois avec les arrestations des autres opposants, comme Ilia Yachine ou Alexeï Gorinov. D’une cellule pour arrestation « administrative », ils ont tous été envoyés en prison ferme (SIZO) et se sont pris des condamnations de 8 ans et demi ou 7 ans. Au final peu importe le temps de détention auquel ils sont condamnés, car il y a très peu de chances que ces prisonniers politiques retrouvent la liberté tant que le régime actuel perdurera.
Dans les années 2010, alors que Poutine ne cesse de durcir son régime, tout un nouveau type de mouvements de résistance surgit dans le pays : des écologistes, des syndicalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des groupes de gauche. Organisés en coalitions socialistes, ils parviennent parfois à faire reculer la machine Poutine. Mikhail Lobanov, chercheur en mathématiques à l’Université d’Etat de Moscou, est l’exemple type de cette nouvelle génération de militants qui s’est formée en dehors du système Poutine, et ne le pouvoir a longtemps sous-estimé la force de frappe.
Ainsi, en 2013, Lobanov co-fonde le syndicat « Solidarité universitaire » qui enchaîne des batailles inédites : contre la répression d’universitaires ; pour la défense de l’enseignement disciplinaire à l’université, contre l’introduction de l’idéologie poutinienne et eurasienne dont le chantre, Alexandre Douguine, a été un temps placé par le Kremlin directeur d’un département de l’université où travaille Lobanov ; contre l’introduction de fan zones pour la coupe du monde de foot dans le parc de l’Université d’Etat de Moscou.
Alors que le système Poutine ne voit aucune menace arriver de ces « petits groupes d’agités », sans moyen et sans couverture médiatique, c’est en réalité tout un réseau de militants qui s’agrège et se structure progressivement autour de ces mouvements, prenant part à la politique locale puis nationale.
En septembre 2021, des élections législatives ont lieu en Russie. L’opposition de gauche et l’opposition libérale n’ont a priori aucun moyen d’accéder à ces élections. Mais le rôle joué par ces mouvements informels émanant de la base est en fait devenu si puissant, que le parti communiste voit une opportunité à conclure localement des alliances électorales avec certains d’entre eux, comme avec Lobanov. Ce dernier mène alors une campagne citoyenne inédite, dans l’une des circonscriptions de Moscou, déployant une énergie titanesque  en meetings, tractages, collages ; il propose également à la population de discuter des vraies questions qui la concernent : absence de liberté civique, inégalités etc. Le pouvoir place en face de Lobanov, Evgenii Popov, présentateur télé extrêmement connu, omniprésent sur tous les plateaux télé. Outre son budget de campagne cent fois supérieur à celui de Lobanov, Popov a tout ce qu’il veut à sa disposition pour faire campagne, jusqu’aux éboueurs municipaux qui reçoivent l’ordre d’arracher les affiches de Lobanov et jusqu’aux salariés des compagnies d’Etat qui reçoivent l’ordre de voter pour Popov. Résultats du vote : Lobanov arrive avec 10 000 voix devant Popov.
Pour bloquer Lobanov, le pouvoir annule ce résultat et attribue à Popov des voix issues d’un soi-disant « vote électronique » qui n’ont jamais été reconnues par les observateurs indépendants.
En février 2022, à l’unanimité, le Parlement soutient l’invasion militaire de l’Ukraine par Poutine.  
Avant la guerre, le gouvernement utilisait des moyens traditionnels pour étouffer l’opposition : impossibilité pour l’opposition de mener campagne, introduction de candidats spoilers avec un « programme de gauche », pour faire perdre des voix au candidat de l’opposition, falsification des résultats, infiltration dans les meetings des candidats de l’opposition, d’individus chargés de faire le sale travail. Comme par exemple un certain Sobolev  qui s’est rendu à différents meetings de Mikhail Lobanov afin d’y faire des scandales et d’y provoquer des bastons, donnant ainsi au pouvoir un prétexte pour discréditer le candidat.
Mais avec la guerre, Poutine n’arrive plus à contrôler l’opposition par ses propres moyens. C’est pour cela qu’il fait appel à des formations nationalistes militaires et paramilitaires privées, comme celle de Sobolev qui,  quelques heures après l’arrestation de Mikhail Lobanov, poste sur son blog  la photo du mathématicien étendu au sol dans une flaque de sang avec le commentaire : « Quel plaisir. C’est moi qui lui ai fait ça. Et ça voulait travailler dans notre dos pour l’ennemi et ça voulait jouer au troublion. Mort aux traîtres. Tant que je n’aurai pas bu son sang, je ne m’arrêterai pas. »
Le recours de l’Etat à ces individus nationalistes et violents,  crée une porosité entre le régime Poutine et l’extrême droite. Aujourd’hui deux Russies s’affrontent : la Russie de Poutine-Sobolev et la Russie de Lobanov.
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FREE AZAT : Mikhaïl Lobanov a été libéré

Chers soutiens d’Azat Miftakhov,
Le mathématicien russe Mikhail Lobanov, militant politique et syndical engagé contre la guerre, a été accueilli le 2 décembre par l’association Solidarité FreeAzat. Perquisitionné, frappé, emmené en détention le 29 décembre 2022, en raison de son opposition à la guerre, Mikhail a fait l’objet d’une campagne de solidarité internationale. Libéré 15 jours plus tard, sa lettre de remerciements deviendra le fondement de l’association Solidarité FreeAzat. Ce samedi 2 décembre, avec le soutien de Solidarité FreeAzat, il lance sa « campagne la plus importante…. »
Dix jours après ce moment important, le 12 décembre, nous avons appris que le prisonnier politique Boris Kagarlitskii, qui risquait 5 ans et demi de prison pour son opposition à la guerre, avait été libéré, de façon complètement inattendue. Solidarité FreeAzat qui avait soutenu sa campagne de libération se réjouit de cette nouvelle. Après la libération de Mikhail Lobanov et de Kirill Ukraintsev, Kagarlitskii est le troisième militant libéré grâce au soutien d’une campagne internationale. Les campagnes internationales permettent de libérer les prisonniers politiques !
Redoublons d’efforts pour libérer Azat !
Remerciements :
Tous nos remerciements à ceux qui ont œuvré à la libération de Mikhail Lobanov, et qui sont cités dans sa lettre.
Tous nos remerciements également à vous militants politiques, syndicaux, des droits de l’homme, mathématiciens, journalistes, historiens, qui avez diffusé l’information de l’événement du 2 décembre, nous avez écrit un message chaleureux, êtes venus, avez fait une intervention, avez rendu compte de l’événement dans vos colonnes : les Cahiers du mouvement ouvrier, la CGT Telecom Paris, le Comité International contre la Répression, FO ESR Paris Sorbonne, la France Insoumise, la France Insoumise de Saint-Denis, le mouvement LGBT Russie, la Libre Pensée, OVD-Info, Paix Progrès et droits de l’homme, le RESU (Réseau européen de Solidarité avec l’Ukraine), Russie-Libertés, « Samizdat, Voix de l’opposition russe », les Socialistes contre la guerre, l’Union syndicale lycéenne (USL).
Merci au député Aurélien Saintoul pour sa présence indéfectible aux côtés d’Azat Miftakhov.
Et un remerciement particulier à Monsieur Philippe Beuchot, Proviseur du Lycée Carnot, qui a ouvert gracieusement les portes du lycée Carnot à l’événement et sans qui cette rencontre chaleureuse et historique n’aurait pu se tenir.
(Pour l’organisation, merci à Alexandra Zapolskaya, Alexandre Listratov, Benoît Connétable, Hippolyte Bouet, Jules Spector Lyon-Caen, Kristina Borovkova, Leshät, Pascal Rolland)

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Réunion autour de Mikhael Lobanov, à l’initiative de l’Association de solidarité Free Azaf

Le mathématicien Mikhael Lobanov a pu venir en France, grâce en particulier à l’action de l’ASFA (Association de solidarité Free Azaf), présidée par Laetitia Garric. À l’occasion de la réunion organisée par l’ASFA le 2/12/23, tenue dans les locaux d’un lycée parisien, il a prononcé l’allocution suivante.

(Laetitia Garric à gauche, Mikhael Lobanov au centre, à droite la traductrice)

 

Bonjour, chers amis, chers camarades !
Je remercie toutes et tous qui ont pris le temps et l’énergie de venir aujourd’hui. Il n’est pas facile pour moi de parler en français. Et pour (cela) il ne sera pas facile de m’écouter.
Pourquoi est-on ici rassemblés?
Parce que les camarades français ont dit que c’était la coutume ici, en France. Eh bien, c’est la coutume.
Mais ce matin déjà, je me suis soudain souvenu qu’en 2021 et 2022, j’ai organisé et participé à des événements un peu pareils. Deux fois par an. Il s’agissait de l’ouverture et de la clôture de nos campagnes électorales. J’ai fait ça avec une équipe de camarades, un collectif de personnes partageant les mêmes idées. En 2023, nous n’avons pas eu d’événement d’ouverture. Bien que nous ayons lancé plusieurs projets importants en Russie. Justement cette année c’est trop dangereux de rassembler du monde dans une salle en Russie.
Hier un groupe de communistes-internationalistes de Russie qui m’a soutenu pendant les campagnes électorales et les campagnes pour l’autogestion dans nos Universités, le groupe qui continue d’exister et d’agir en Russie a organisé un rassemblement public. Ils ont ressemblé dans une salle un peu comme nous – pour discuter de politique.
La police et les agents anti-extrémistes ont débarqué dans la salle et ont demandé à tout le monde de s’allonger sur le sol.
Les gens ont été matraqués, on leur a confisqué leur téléphone, on les a forcés à dire des mots de passe, on leur a fait subir des pressions psychologiques et physiques.
Deux personnes que je connais personnellement ont été emmenées au poste de police et n’ont pas encore été relâchées. Voilà un peu de l’actualité de la Russie.
Nos événements en 2021 et 2022 lançaient les campagnes dont la durée était limitée. Nous connaissions dès le début la date de réunion finale.
Aujourd’hui on lance une nouvelle étape de notre campagne. Et cette fois, nous n’avons pas de dates précises. Je ne peux pas vous dire QUAND la réunion finale aura lieu. Je peux vous dire OU. Ce sera à Moscou.
Qu’est-ce qu’on lance aujourd’hui? Il s’agit d’une campagne sans laquelle il ne sera pas possible de faire des mathématiques ou d’autres sciences en Russie. Il ne sera pas possible de faire de l’art, de la poésie, de discuter, de s’exprimer librement. Sans le succès de cette campagne, ni Azat Miftakhov, ni Boris Kagarlitsky, ni Sasha Skochilenko, ni Dima Ivanov. Ni des milliers d’autres prisonniers politiques ne seront libérés.
Sans le succès de cette campagne, il n’y aura pas de paix réelle et complète. La paix qui mettra fin à la guerre insensée par une poignée de personnes très riches au Kremlin. Cette guerre a été déclarée à la fois au peuple ukrainien et au peuple russe. (Les deux peuples souffrent différemment Ne croyez pas que je mette nos peines sur le même plan!).
Mais il est clair qu’on a besoin de transformation politique en Russie. En d’autres termes, on a besoin d’une révolution.
Et nous savons qu’elle est possible. Ça vous étonne?
Possible parce que, premièrement,
les gens en Russie sont depuis longtemps insatisfaits de leur vie. Personne n’est content de la politique intérieure. Tout le monde voit des inégalités énormes.
Et ce mécontentement touche tout le monde, peu importe s’ils soutiennent Poutine, s’ils déclarent qu’ils le soutiennent ou s’ils le détestent. Peu importe s’ils soutiennent la guerre (d’ailleurs, la guerre est soutenue par une minorité absolue de la société russe).
Deuxièmement,
parce que les événements tragiques qui ont commencé le  24 février 2022 ont généré et continuent de générer de nouvelles crises pour les autorités.
Troisièmement,
parce qu’il reste un grand nombre de personnes actives en Russie, qui continuent à élaborer des projets, à se réunir lors de réunions syndicales, à créer des clubs de cinéma clandestins et bien d’autres choses. Tout ça, en attendant le moment où il y aura une chance et un espace pour de grands projets politiques.
Et aussi parce que ceux qui ont dû quitter la Russie ont trouvé le soutien et la solidarité auprès de leurs camarades et collègues ici, de ce côté-ci de la frontière. Une solidarité qui nous a aidé à survivre dans cette mission politique et à s’impliquer dans un travail et des activités communes avec nos camarades en Russie.
C’est pourquoi je remercie mes collègues mathématiciens, les militants syndicaux et mes camarades qui m’ont permis de faire ce  “voyage d’affaires politique”. Comme vous le savez il n’est plus possible pour moi d’agir en Russie. Je ne dis pas “l’immigration”. Je dis un “voyage d’affaires politique”. Grâce à mes camarades je peux poursuivre mes études de mathématiques et m’engager dans la lutte pour la transformation politique de la Russie.
Ainsi, pour moi personnellement, ce n’est pas seulement une soirée de joie et de remerciements.  C’est aussi une soirée de début de l’étape la plus importante, de la campagne la plus importante.
On continue et comme on dit en Russie :
все только начинается (Ce n’est qu’un début !)
Merci à vous !

« Liberté pour Azat Miftakhov » : premiers signataires

Solidarité FreeAzat
Le groupe «Solidarité FreeAzat» est une antenne de FreeAzat, groupe de soutien au prisonnier politique Azat Miftakhov. Pour nous contacter : libertepourazat@gmail.com

BILLET DE BLOG 2 JUIN 2023
Liberté pour Azat Miftakhov!
Depuis 2019, Azat Miftakhov, jeune mathématicien et doctorant à l’université Lomonossov de Moscou, militant anarchiste, a été placé en détention provisoire, puis condamné à 6 ans de prison ferme sur la base d’accusations et de pseudo-témoignages obtenus par la torture.
Ainsi, l’un des deux témoins l’accusant d’avoir « mis le feu à l’un des bureaux du parti Russie Unie » (1) de Poutine a été retrouvé fort opportunément mort, échappant ainsi à une contre-enquête.
L’autre « témoin », aujourd’hui réfugié en France, a témoigné en mars 2023 dans Mediapart, pour expliquer les tortures que le FSB lui a fait subir pour lui faire dire le nom d’Azat.(2)
Les prises de positions venant du monde entier se sont multipliées pour exiger sa libération, que ce soit d’ONG comme Memorial, Human Rights Watch, d’intellectuels, d’académiciens russes, de 2500 mathématiciens en 2022 et des sociétés de mathématiques française, italienne, brésilienne, américaine, d’organisations syndicales comme la Fédération syndicale russe « Solidarité Universitaire » (3).
Alors que sa libération devait être prononcée d’ici à septembre 2023, les informations qui nous parviennent laissent à penser que les services de sécurité russes ont entamé de nouvelles pressions et arrestations pour construire des accusations nouvelles et enfermer pour des années cet universitaire.
Malgré les traitements qui lui ont été infligés, ce mathématicien qui vient d’avoir ses 30 ans en prison a toujours clamé son innocence. À la vue de cet acharnement, chacun comprend que cela sert chaque jour un peu plus d’exemple pour obtenir le silence de toutes les voix qui se lèvent et se lèveraient au sein de la Russie, de toute expression différente de la voix monocorde de la Fédération de Russie depuis son engagement dans la guerre en Ukraine.

Pour la liberté d’expression en Russie,
Pour les Droits de l’Homme,
Azat doit être libéré.

La Fédération de Russie a engagé la guerre contre l’Ukraine et participe du risque d’une escalade généralisée. Nous, partisans de la paix, considérons que le combat pour la liberté d’opinion et d’expression du peuple russe, et plus généralement dans les pays engagés dans cette guerre, est une question déterminante pour trouver une issue pour les peuples d’Ukraine et de Russie.
Nous – universitaires, intellectuels, militants politiques, syndicalistes, élus, responsables associatifs, journalistes, citoyens, dans la diversité de nos opinions et de nos terrains d’action – alertés par le groupe de soutien d’Azat en Russie, FreeAzat – décidons d’ajouter notre voix à celles déjà exprimées de par le monde, en nous adressant solennellement au gouvernement de la Fédération de Russie pour demander la libération d’Azat. Nous appelons à signer publiquement cet appel.

Première liste de signataires, 31 mai 2023

Ahmed Abbes, directeur de recherches au CNRS. (France) — Alain Roques, directeur de recherches émérite INRAE, militant syndical. (France) — Alexander Shen, chercheur au LIRMM (France) — Alexander Bikbov, chercheur associé au CERCEC (EHESS/CNRS). (Russie, France) — Alexandre Borovik, professeur de mathématiques à la retraite, University of Manchester. (Royaume-Uni) — Alexandre Zykov, ancien coordonnateur de section Navalny. (Russie) — Alexey Muravitski, professeur de mathématiques, Northwestern State University of Louisiana. (États-Unis) — Alexey Sakhnin, membre de la coalition des Socialistes contre la guerre. (Russie) — Aline Noël, CPE, syndicaliste. (France) — Andrey Demidov, enseignant (France, Russie) — Andrey Moiseykin, député municipal, district Dvortsovy, Saint-Pétersbourg. (Russie) — Andrey Rudoy, youtubeur et militant syndical. (Russie) — Andy Kerbat, député LFI, Loire atlantique. (France) — Anton Sokolov, député du district municipal de la ville de Iochkar-Ola. (Russie) — Arié Alimi, avocat au barreau de Paris. (France) — Arnaud Le Gall, député LFI, Val d’Oise. (France) — Arnaud Saint-Martin, sociologue, CNRS. (France) — Bally Bagayoko, militant français des quartiers populaires et des droits humains, Chef de file LFI Saint-Denis. (France) — Béatrice Whitaker, architecte. (France, Brésil) — Benoît Connétable, militant syndical enseignant, docteur ès mathématiques. (France) — Brigitte Marciniak, PS 56. (France) — Carlos Schmidt, militant du PSOL, professeur à la retraite d’économie solidaire à l’Université Fédérale de Rio Grande do Sul. (Brésil) — Catherine Couturier, députée LFI, Creuse. (France) — César Landron, militant syndical enseignant. (France) — Christian Eyschen, porte- parole de l’Association internationale de la Libre Pensée. (France) — Cyril Corbin, militant syndical. (France) — Diana Volga, députée municipale, district Kolpino, Saint-Pétersbourg. (Russie) — DOXA, media contre la guerre, la dictature et l’inégalité. (Russie) — Elena Kotenochkina, membre du Mouvement démocratique « Paix. Progrès. Droits humains », ancienne députée municipale de Moscou. (Russie) — Elmar Rustamov, membre de « Russie Ouvrière » et de la coalition des Socialistes contre la guerre. (Russie) — Enzo Traverso, enseignant universitaire, Cornell University. (États-Unis) — Ersilia Soudais, députée LFI,Seine-et-Marne. (France) — Fabien Cohen, secrétaire général de France Amérique Latine. (France) — Fabrice Lerestif, militant syndical. (France) — François Godicheau, professeur des universités, Toulouse. (France) — Georges Sidéris, universitaire. (France) — Gilbert Achcar, School of Oriental and Africanstudies, University of London. (Royaume-Uni) — Ignace Dumesnil, militant syndical universitaire. (France) — Igor Azarov, cadre, ancien député municipal, Krasnodar (Russie) — Ilya Kapovich, professeur de mathématiques, HunterCollege of CUNY (États-Unis) — Irina Shumilova, marxiste, fondatrice du projet «Le Livre noir du capitalisme ». (Russie) — Isabelle d’Artagnan, historienne. (France) — Jean Hédou, militant syndical. (France) — Jean-Claude Lefort, parlementaire honoraire. (France) — Jean-Jacques Marie, historien. (France) — Jean-Louis Massebœuf, retraité de l’enseignement et militant syndical. (France) — Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie. (France) — Jean-Noël Aqua, conseiller de Paris PCF. (France) — Johann Chapoutot, historien. (France) — Jules Lyon-Caen, président des Banquets Populaires, fondateur du Syndicat du Service Civique. (France) — Julie Garnier, conseillère régionale LFI, Île-de-France. (France) — Karine Clément, professeur des écoles. (France) — Kirill Medvedev, poète et musicien. (Russie) — Laurence Cohen, sénatrice PC. (France) — Laurent Jacquemin, militant syndical enseignant. (France) — Lëshat, pour le groupe Solidarité FreeAzat, traducteur libertaire. (France, Russie) — Lev Glebski, universitaire, Universidad autonoma de San Luis Potosi. (Mexique) — Lev Ponomarev, président de l’Institut Sakharov à Paris, membre du Mouvement démocratique « Paix. Progrès. Droits humains ». (Russie, France) — Liza Smirnova, membre de la Coalition des socialistes contre la guerre, poète et journaliste. (Russie) — Marie-Laetitia Garric, pour le groupe Solidarité FreeAzat, militante syndicale. (France) — Marlon Ettinger, correspondant du groupe Solidarité FreeAzat aux États-Unis, journaliste. (États-Unis) — Maria Menshikova, correspondante du groupe Solidarité FreeAzat en Allemagne, militante de gauche, journaliste, doctorante. (Russie) — Matthieu Niango, philosophe. (France) — Maxime Laisney, député LFI, Seine et Marne. (France) — Michael Löwy, directeur de recherches émérite au CNRS. (France, Brésil) — Nadège Abomangoli, députée LFI, Seine-Saint-Denis. (France) — Noam Chomsky, universitaire. (États-Unis) — Olga Belova, professeur de russe, agrégée des universités. (France, Russie) — Olga Podolskaya, députée municipale, Toula. (Russie) — Patrick Hebert, militant syndical. (France) — Patrick Silberstein, médecin et éditeur. (France) — Pierre Gueguen, membre de la Commission internationale de la Libre Pensée. (France) — Pierre Laurent, sénateurde Paris et Vice-président du Sénat. (France) — René Pilato, député LFI, Charente, professeur de mathématiques. (France) — Réseau de Solidarité avec le peuple de l’Ukraine (RESU). (France) — Reza Painchan, militant syndical. (France) — Rodrigo Arenas, député LFI, Paris. (France) — Roger Martelli, historien. (France) — Serge Grimaldi, militant syndical, adhérent de la LDH 77. (France) — Sergey Tsukasov, ancien député municipal à Moscou. (Russie) — Silvia Capanema, correspondante du groupe Solidarité FreeAzat au Brésil, historienne, universitaire, conseillère départementale LFI de Seine-Saint-Denis. (France) — Slavoj Žižek, philosophe. (Slovénie) — Sophia Chikirou, députée LFI, Paris. (France) — Steve Gaudin, militant syndical enseignant. (France) — Vavy Pacheco Borges, historienne. (Brésil) — Véronique Maury, militante syndicale enseignante. (France) — Vitali Bovar, député municipal russe, président adjoint du district Vladimirovski, Saint-Pétersbourg. (Russie) — Vladimir Zalishak, député municipal, Moscou. (Russie)


Le groupe de soutien d’Azat en Russie, FreeAzat, après avoir pris connaissance de notre communiqué, nous a demandé d’y ajouter les précisions suivantes :
(1) L’affaire judiciaire d’Azat ne mentionne pas « mis le feu à l’un des bureaux du parti Russie Unie », mais l’envoi d’un fumigène. (2) Il y a en réalité trois témoignages contre Azat. Deux témoignages, produits par des témoins secrets, ont été utilisés pour incriminer Azat lors de sa condamnation. Le troisième témoignage, du militant aujourd’hui réfugié en France, a été obtenu sous la torture, et n’a pour le moment pas été utilisé contre Azat. Il pourrait l’être si de nouvelles poursuites étaient ouvertes. Enfin, nous précisons que le deuxième témoin n’était pas présent sur la scène du crime.
(3) « Solidarité universitaire » est un syndicat inter-régional, mais n’est pas une fédération syndicale.
La pétition en ligne dont le lien est fourni ci-dessus intègre ces précisions au texte, de même que la version en anglais de cet appel.

Liberté pour AZAT


Depuis 2019, Azat Miftakhov, jeune mathématicien et doctorant à l’université d’Etat de Moscou Lomonossov, militant anarchiste, a été placé en détention provisoire, puis condamné à 6 ans de prison ferme sur la base de deux pseudo témoignages.
Ainsi, l’un des deux témoins l’accusant d’avoir « attaqué » l’un des bureaux du parti Russie Unie de Poutine a été retrouvé fort opportunément mort, échappant ainsi à une contre-enquête.
Un troisième « témoin », aujourd’hui réfugié en France, raconte dans Mediapart en mars 2023, les tortures que le FSB lui a fait subir pour lui extorquer de faux aveux, qui pourraient être utilisés aujourd’hui contre Azat, afin de fabriquer une nouvelle affaire et de prolonger sa détention.
Les prises de positions venant du monde entier se sont multipliées pour exiger sa libération, que ce soit d’ONG comme Memorial, Human Rights Watch, d’intellectuels, d’académiciens russes, de 2500 mathématiciens en 2022 et des sociétés de mathématiques française, italienne, brésilienne, américaine, d’organisations syndicales comme la Fédération syndicale russe « Solidarité Universitaire »…
Alors que sa libération devait être prononcée d’ici à septembre 2023, les informations qui nous parviennent laissent à penser que les services de sécurité russes ont entamé de nouvelles pressions et arrestations pour construire des accusations nouvelles et enfermer pour des années cet universitaire.
Malgré les traitements qui lui ont été infligés, ce mathématicien qui vient d’avoir ses 30 ans en prison a toujours clamé son innocence. À la vue de cet acharnement, chacun comprend que cela sert chaque jour un peu plus d’exemple pour obtenir le silence de toutes les voix qui se lèvent et se lèveraient au sein de la Russie, de toute expression différente de la voix monocorde de la Fédération de Russie depuis son engagement dans la guerre en Ukraine.

Pour la liberté d’expression en Russie,

Pour les Droits de l’Homme,

Azat doit être libéré.

La Fédération de Russie a engagé la guerre contre l’Ukraine et participe du risque d’une escaladegénéralisée. Nous, partisans de la paix, considérons que le combat pour la liberté d’opinion et d’expression du peuple russe, et plus généralement dans les pays engagés dans cette guerre, est une question déterminante pour trouver une issue pour les peuples d’Ukraine et de Russie.

Nous – universitaires, intellectuels, militants politiques, syndicalistes, élus, responsables associatifs, journalistes, citoyens, dans la diversité de nos opinions et de nos terrains d’action – alertés par le groupe de soutien d’Azat en Russie, freeazat – décidons d’ajouter notre voix à celles déjà exprimées de par le monde, en nous adressant solennellement au gouvernement de la Fédération de Russie pour demander la libération d’Azat.

Nous appelons à signer publiquement cet appel.

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Je décide de rendre public mon soutien à cet appel
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« Liberté pour Azat Miftakhov » : premiers signataires

L’UKRAINE HIER ET AUJOURD’HUI (suite)

Jean-Jacques Marie

Si la tentative manquée d’invasion de l’Ukraine déclenchée par Poutine débouche sur un armistice, voire un accord de paix, dans un avenir plus ou moins proche, la paix retrouvée sera incertaine, fragile et temporaire. Les tensions à l’origine du conflit remontent loin dans le temps et ne trouveront pas de solutions immédiates, à commencer par la question du Donbass et de la Crimée, deux régions dont la population est formée en majorité d’éléments ethniquement russes.

Anne de Tinguy le soulignait dès 2001 dans le chapitre initial de l’Ukraine, nouvel acteur du jeu international, ouvrage rédigé sous sa direction. Elle y écrivait : « Le nouvel Etat (…) commande une grande partie des voies d’accès de la Russie à l’Europe centrale et méridionale (…). Son émergence, qui ampute l’ancien empire russe de son plus beau fleuron (…) bouscule les équilibres internationaux au centre de l’Europe. Elle modifie les données de la sécurité européenne (…). En Russie il a suscité une franche hostilité », qui dépasse les cercles du pouvoir : Alexandre Soljenitsyne dénonçait comme « une aberration » l’indépendance de l’Ukraine dès avant sa proclamation. Boris Eltsine, lui, déclarera le 22 novembre 1997 : « nous nous sommes séparés dans la douleur : il a fallu diviser l’indivisible. »

Curieusement certains chefs d’Etat et hommes politiques occidentaux ont, un moment, vu, eux aussi, une aberration dans l’indépendance de l’Ukraine. Trois semaines avant sa proclamation, le président Bush dénonçait à Kiev même « le nationalisme suicidaire » des Ukrainiens ; mieux encore, Valéry Giscard d’Estaing, déclarait sur France II, le 7 février 1993 : « l’indépendance de l’Ukraine n’est pas plus fondée que ne le serait en France celle de la région Rhône-Alpes ». On ne saurait mieux nier sa réalité nationale.

Ce rejet, dû à la crainte d’une explosion de l’ancien empire soviétique aux conséquences imprévisibles, est alors conforté par une tradition qui menait Jacques Benoist-Méchin à qualifier les Ukrainiens de peuple longtemps « expulsé de l’histoire ». Leur aspiration à obtenir la reconnaissance de leur identité nationale, a longtemps été niée et rejetée. Pourtant Voltaire, qui n’y avait jamais mis les pieds, écrivait déjà dans son Histoire de Charles XII publiée en 1738 : « L’Ukraine a toujours aspiré à être libre. »

Dès la moitié des années 90, les dirigeants des Etats-Unis saisissent, eux, son importance géopolitique, même s’ils appuient le président russe d’alors, Boris Eltsine.

En 1994 Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller de Jimmy Carter, écrit : « Sans Ukraine la Russie cesse d’être un empire. » La même année le représentant américain Dave Mac Curdy affirme : « peu de pays sont plus importants pour les intérêts américains ». Dès février 1995 l’Ukraine signe un accord de coopération avec l’Otan et, deux ans plus tard, signe avec lui une « Charte de coopération particulière ». Le 18 janvier 2000 la secrétaire d’Etat américaine déclare « dans l’intérêt national de l’Amérique que l’Ukraine réussisse ». Pourquoi ? Pour servir de barrage à une ­­­éventuelle pénétration de la Russie en Europe, facilitée par le gaz et le pétrole qu’elle y vend et livre, entre autres, en transit par l’Ukraine. A la fin des années 90, l’Ukraine est le troisième pays du monde à bénéficier de l’aide financière américaine derrière Israël et l’Egypte. L’avidité des dirigeants et des oligarques interrompt un moment cette lune de miel au début de 2003 lorsque Georges Bush apprend que le président Koutchma est accusé d’avoir vendu pour cent millions de dollars d’armes à l’Irak de Sadam Hussein et aurait promis de lui vendre le système de radar Koltchouga (cotte de mailles) permettant de repérer les bombardiers américains dits indétectables.

L’indépendance.

La chute de l’URSS débouche sur la proclamation de l’indépendance de l’Ukraine. Le 24 août 1991 l’ancien secrétaire à l’idéologie du PC ukrainien Kravtchouk faisait voter l’indépendance de l’Ukraine par 346 voix pour sur 350. L’héritage laissé par la décomposition de l’URSS est très lourd, en particulier par le gigantesque pillage de tous les secteurs de l’économie qui se conjugue avec le rôle des pillards dans le domaine politique. Le sociologue russe Igor Kliamkine souligne : « la corruption se perpétue sur l’ensemble du territoire de l’ex-Union soviétique (…) elle existe sur l’ensemble du territoire ex-soviétique et constitue un système. » Le mandat de tous les présidents ukrainiens a été marqué par des scandales financiers. Celui de Volodymyr Zelensky, malgré la tenue modeste dans laquelle il se présente n’a pas échappé à la règle. A la fin d’avril 2023 le journaliste américain Seymour Hersh, titulaire d’une demi-douzaine de prix de journalisme, dont le Pulitzer, mais marqué par ses complaisances pour Bachar el-Assad et Poutine, a accusé, en prétendant utiliser des documents de la CIA le clan Zelensky d’avoir détourné 400 millions de dollars de fonds transférés à Kiev pour l’achat de carburant. Son allégation, peut-être fort exagérée, ne paraît nullement invraisemblable tant il serait étonnant que l’agression de l’Ukraine par Poutine ait, par un coup de baguette magique, épuré l’appareil d’Etat ukrainien de ses pratiques habituelles de vol, concussion, corruption, pillage et détournement de fonds.

A cet héritage qui pèse sur toutes les anciennes républiques soviétiques, de la Russie au Kazakhstan s’ajoute pour l’Ukraine le lourd passé d’une longue oppression nationale qui s’exprime entre autres par le refus souvent affirmé par Poutine d’accepter la réalité même de l’Ukraine comme nation.

Dès 1992 apparaît d’ailleurs le premier accroc dans les rapports entre Moscou et Kiev. Cette année, en effet, les partisans de la réunion de la Crimée avec la Russie prennent la majorité au Parlement de Crimée et adoptent une déclaration d’indépendance annulée bientôt sous la pression de Moscou, qui néanmoins déclare inconstitutionnelle et donc nulle la décision du rattachement de la Crimée prise en 1954 par Khrouchtchev. Moscou tente de maintenir les anciens états soviétiques sous son contrôle, même affaibli en proclamant cette année-là la Communauté des Etats indépendants (CEI). Boris Eltsine le 4 mars 1993 demande aux organisations internationales de reconnaître à la Russie « des pouvoirs spéciaux en tant que garant de la paix et de la stabilité sur tout le territoire de l’ex-URSS » et il exige de l’Ukraine la restitution des armes nucléaires stationnées sur son territoire. C’est chose faite en 1996. En revanche, le refus croissant de Kiev de soutenir les décisions que Moscou prétend imposer à la CEI réduit bientôt cette dernière à n’être qu’un cadre vide.

Les anciens dirigeants de l’Ukraine soviétique restent aux manettes du pouvoir et comme les oligarques russes, organisent un pillage grandiose du pays, entre autres en revendant aux pays occidentaux au prix du marché mondial le gaz que la Russie leur vend à bas prix. Ils provoquent le même désastre social que subit la Russie ; en 1993 l’inflation est de 2500 %, comme en Russie. En 1995, les 3 /4 de la population vivent officiellement en dessous du seuil -fort bas- de pauvreté. Malgré une rude concurrence l’Ukraine devient vite l’un des champions du monde du pillage et de la corruption au point qu’elle obtiendra en 2009, de Transparency International, la médaille du pays le plus corrompu du monde. Leonid Koutchma dès sa première candidature à la présidence en 1994 annonce sa ferme volonté de lutter contre la corruption, qui fleurira pourtant plus encore sous son règne. Pavel Lazarenko, premier ministre de mai 1996 à juillet 1997, se spécialise dans le trafic du gaz. Il transfère les centaines de millions de dollars qu’il vole sur des banques américaines, suisses et des Caraïbes. Démis par Koutchma, le corrompu corrupteur, en juillet 1997, Lazarenko s’enfuit en Suisse avec un passeport panaméen puis, en 1999, aux Etats-Unis, où il est emprisonné pour blanchiment d’argent. Les Lazarenko pullulent. En 2004 à la veille de la fin de son mandat Koutchma, dénoncé pour ses vols, trafics et pillages multiples et accusé d’avoir commandité l’assassinat du journaliste Gongadzé qui en avait dénoncé certains, brade une série d’entreprises à des proches à des prix très bas. Ainsi il vend à son gendre Pintchouk et à l’affairiste Rinat Akhmetov pour le sixième de sa valeur réelle la plus grande usine métallurgique du pays, Krivorojstal qu’ils revendront en octobre 2005, six fois plus cher. On a calculé qu’au cours de ses activités de ministre, premier ministre, puis président, le clan de Ianoukovitch a ponctionné l’Ukraine de 7 à 10 milliards par an et ainsi de suite.

Des partis fluctuants.

La politique et les trafics fraternisent comme à Moscou ; des hommes d’affaires véreux se présentent aux élections comme têtes de liste de partis fantômes pour bénéficier de l’immunité parlementaire. La Douma russe compte autant de passionnés de cette immunité pour le même souci de leur sécurité. Lors des élections parlementaires de 2006 la commission électorale chargée de vérifier les listes des différents partis constate que nombre de noms de candidats figurent sur les listes d’Interpol. Le rite se répétera jusque sous Zelensky, élu en 2019 comme champion de cette lutte toujours promise et jamais menée même s’il prendra en février 2023 quelques modestes mesures destinées à rassurer ses soutiens occidentaux. Les partis, tous liés à un clan du business, ne sont, plus encore qu’en Russie, que des camouflages d’intérêts financiers. Selon le journaliste ukrainien Sergii Garnits « ce ne sont pas des partis qui défendent des idées mais des bandes d’affairistes que l’on peut acheter avec des Rolex ou des Mercedes. » Certains politiciens en changent régulièrement au gré de leurs besoins. Ainsi Porochenko, trust du chocolat, élu député en 1998, rejoint le « parti social-démocrate » du président Koutchma ; en 2000, il intègre le Parti des régions de Ianoukovitch, qu’il quitte en 2001 pour Notre Ukraine, le parti du futur président Iouchtchenko. Il devient Président du conseil de la banque nationale, puis ministre des Affaires étrangères et enfin ministre du Développement économique de Ianoukovitch.

Une farce dramatique ?

Si les conséquences n’en étaient pas si désastreuses pour la masse de la population on pourrait décrire la vie politique de l’Ukraine comme une gigantesque farce mettant en scène voleurs, truands, mafieux, farce qui peut prendre des aspects dramatiques lorsque des gens qui en savent un peu trop sont victimes d’accidents de voiture curieux ou, plus banalement, abattus à la porte de chez eux.

Victor Ianoukovitch, ancien premier ministre du président Koutchma, célèbre pour son inculture autant que pour son avidité, condamné dans sa jeunesse pour vol puis pour viol, candidat à la présidentielle de 2004, a le soutien public et appuyé de Poutine, qui finance sa campagne à hauteur, selon certains, de 300 millions de dollars. En 2004, il tente de falsifier les résultats de l’élection par un trafic des votes éhonté et provoque une vague de protestation qui jettera des hordes de manifestants dans les rues de Kiev. C’est la « révolution orange », qui, en 2005, porte au pouvoir Victor Iouchtchenko, ancien premier ministre de Leonid Koutchma entouré de conseillers américains, marié en 1998 à une américaine d’origine ukrainienne née à Chicago, Katerina Tchoumatchenko ex-fonctionnaire du Département d’Etat et publiquement soutenu par les Etats-Unis. Ioulia Timochenko, ancienne dirigeante de la Compagnie du pétrole ukrainien dont les capitaux reposent paisiblement dans une banque chypriote, nommée par lui premier ministre, promet de réviser les privatisations-pillage antérieures haïes par la population. Devant la résistance des oligarques et des banquiers étrangers qui gèrent leurs dépôts délocalisés, Timochenko ne révisera qu’à la marge quelques menues privatisations. Son gouvernement est bientôt touché par des scandales, dont l’un touche son ministre de la Justice Roman Zvaritch, ancien citoyen américain, dont l’épouse co-organise avec des oligarques la revente illégale en Europe, au tarif mondial, du gaz russe que l’Ukraine achetait alors à un tarif préférentiel. Après les élections parlementaires de 2006 Victor Ianoukovitch, l’adversaire farouche, mais battu, de Iouchtchenko en 2004 devient le premier ministre de ce dernier.

En 2005 à la veille des élections législatives du printemps suivant l’oligarque Rinat Akhmetov invite à Kiev le républicain américain Paul Manafort, chef d’un grand cabinet de lobbying, pour gérer la campagne du Parti des régions de Ianoukovitch pour 150 000 à 200 000 dollars par mois. L’ancien responsable de la communication de Bill Clinton, Joe Lockhart travaille auprès du bloc Ioulia Timochenko (BIouT) et le lobbyiste Stan Anderson travaille pour Notre Ukraine, le parti de Iouchtchenko. Discrédité, Ianoukovitch, le poulain de Poutine, battu aux présidentielles par Iouchtchenko, devient peu après le premier ministre de son vainqueur, qu’il tente de déstabiliser en proposant à des députés du groupe parlementaire du président de 5 à 7 millions de dollars pour changer de groupe.

Pro-américain, pro-européen ou pro-russe, le président en exercice et son entourage de petits, moyens ou grands oligarques organisent le même pillage de l’économie dont la masse de la population paye la note par l’érosion permanente de son niveau de vie. C’est pourquoi, en 2010, Ianoukovitch, pourtant discrédité par ses trafics, manœuvres et manipulations en 2004, est élu président face au sortant Iouchtchenko. Le choix politique offert à la population paraît ainsi réduit aux deux branches d’un piège qui va, cette fois, provoquer une explosion. Mais le choc débouchera une nouvelle fois sur une impasse. Porochenko est élu président après la « révolution de Maïdan » en 2014, puis, accablé par des scandales de corruption, perd en 2019 les élections face à l’acteur Zelensky, crédité alors de 73,2% des voix.

Rien n’a changé après la « révolution Maïdan » de 2014 dans ce kaléidoscope de partis virtuels où tout se vend et s’achète. Ainsi, aux élections municipales du 25 mai 2014 à Odessa, ville gangrenée par la corruption, les deux concurrents finaux Edouard Gourvits et Guennadi Troukhanov, sont tous deux accusés d’avoir eu et de maintenir des liens avec les bandes mafieuses.

Le jeu américain…

En 2002 le gouvernement Koutchma avait officiellement décidé de rejoindre l’OTAN … à terme, un terme laissé dans le vague… En même temps il affirmait souhaiter la création d’une zone de libre-échange avec l’Union européenne d’ici 2007 ; il envisageait ensuite que l’Ukraine devienne membre à part entière de l’UE au plus tard en 2011 alors même que sur le plan énergétique elle est étroitement liée à Moscou qui au fil des ans utilise cette dépendance pour tenter de soumettre Kiev à son autorité dans une histoire aux multiples épisodes et rebonds d’autant que nombre de politiciens et d’oligarques s’emplissent les poches avec le trafic de ce gaz.

L’Ukraine est ainsi devenue un enjeu entre la Russie et les Etats-Unis via l’Union européenne (UE). Ianoukovitch, devenu président en 2010, à peine élu prolonge jusqu’en 2042 le bail qui attribue à la Russie le port de Sébastopol où stationne la marine militaire russe de la mer Noire s’engage alors à signer un accord d’association avec l’UE qui lui promet un prêt de 610 millions de dollars en contrepartie de mesures économiques et sociales drastiques dictées par le FMI (doublement du prix du gaz, réduction puis suppression des dotations gouvernementales aux mines du Donbass, etc.), bref une rigueur budgétaire difficile à imposer à la masse de la population et fort gênantes pour les oligarques petits, moyens ou grands, désireux de continuer leurs pillages. Il craint une explosion sociale et lorsque Poutine, désireux de détacher l’Ukraine des Etats-Unis, lui propose un prêt de 15 milliards de dollars sans contreparties, il saute sur l’occasion puis annule la signature prévue huit jours plus tard d’un accord avec l’Union européenne.

Ses adversaires mobilisent alors contre lui la masse des mécontents, que la police mitraille ; par dizaines de milliers les manifestants envahissent les rues et la place de l’Indépendance pour exiger la démission de Ianoukovitch. Des hommes politiques européens et américains, dont John Mac Cain, et la secrétaire d’Etat adjointe des Etats-Unis, Victoria Nuland, qui souligne que les Etats-Unis ont, depuis 1991, dépensé 5 milliards de dollars pour « démocratiser » l’Ukraine viennent les haranguer. Selon Foreign Affairs : « La clé du problème c’est l’élargissement de l’OTAN, élément majeur d’une stratégie plus vaste qui vise à retirer l’Ukraine de l’orbite russe », ce que Poutine veut interdire. Il réagit à l’éviction de son poulain Ianoukovitch en organisant le rattachement à la Russie de deux territoires majoritairement peuplés de Russes, le Donbass à l’est de l’Ukraine, habité par un véritable mouvement séparatiste et la Crimée au sud.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine apparaît déjà une éventualité plus ou moins proche. Ainsi le 23 mars 2014, le général Philip Breedlove, commandant des forces de l’OTAN en Europe, déclarait que « des forces russes très, très importantes » se tiennent « prêtes » à envahir l’Ukraine et à descendre jusqu’à la Moldavie.

L’oligarque Petro Porochenko élu alors président de l’Ukraine, nomme ministre des Finances en mars 2015 Natalie Jaresko, une Américaine d’origine ukrainienne, ancienne fonctionnaire du Département d’Etat américain, qui a travaillé pour un fonds d’investissement ukrainien financé par le Congrès des Etats-Unis, naturalisée ukrainienne le matin même de sa nomination. Le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk dans une interview au Monde du 13 mai 2015 affirme « L’Ukraine joue le rôle de gilet pare-balles pour l’UE. Plus forte sera l’Ukraine, plus forte sera l’Europe. »  Il détaille ensuite les mesures sociales (si l’on peut dire !) très brutales que son gouvernement a prises pour lui permettre, pense-t-il, de jouer ce rôle : « Nous avons renvoyé, l’année dernière 10% des fonctionnaires et nous allons en renvoyer 20 % cette année. Nous avons gelé les salaires et les retraites. Nous avons multiplié par six les tarifs des services communaux. Nous avons largement dérégulé notre économie, suppression des niches fiscales, entamé une décentralisation ». Il ajoute enfin la diminution des indemnités de retraite de 15%, l’âge du départ à la retraite, repoussé de trois ans, et le triplement du prix du gaz ; la population a vu son niveau de vie divisé par trois en un an. Cette politique sociale qui paupérise plus encore la masse de la population mine les bases de l’Union nationale souhaitée pour répondre à l’offensive russe prévue.

Petro Porochenko, qui sollicite l’aide financière de l’Union européenne, dénonce dans une interview à Libération les projets de conquête attribués à Poutine « Poutine veut toute l’Europe » et envisage, selon lui, « une agression contre la Finlande (…) contre les Etats baltes (…) et dans l’espace de la mer Noire ». Mais il jure : « nous combattons (…) pour la sécurité de tout le continent européen ». Le 21 novembre 2014, la coalition gouvernementale à Kiev décide d’annuler le statut de l’Ukraine comme pays non- aligné pour pouvoir adhérer à l’OTAN. Ce n’est pas encore fait. Mais selon Le Monde du 20 avril 2023, l’Ukraine, aujourd’hui « serait un des rares pays au monde à jouir d’accès privilégiés à l’agence nationale de sécurité (NSA), le monstre américain en matière de renseignements électroniques. »

En 2019, le rejet massif de la couche mafieuse des pillards au pouvoir et de son représentant Porochenko a abouti à l’élection de l’acteur Zelensky, soutenu pourtant par des oligarques comme Igor Kolomoïski à la présidence de la République. En 2021 le salaire minimum en Ukraine dépasse à peine 200 euros et la majorité des retraités perçoivent moins. Cette pauvreté, soulignée par le contraste avec le train de vie des oligarques, des affairistes divers et des politiciens corrompus poussait, avant l’agression russe, les ouvriers et les ouvrières ukrainiennes à émigrer massivement.

Les Ukrainiennes sont très appréciées en Allemagne comme bonnes à tout faire, et y sont moins mal payées que dans leur patrie.  Des agences spécialisées dans la fourniture de main d’œuvre à bas prix fourmillent. En 2020, un quart des trois millions de permis de séjour attribués par l’Union européenne ont été attribué à des Ukrainiens.

Même si plusieurs millions d’Ukrainiens ont fui leur pays, l’agression de Poutine a provoqué une vive réaction patriotique dans la masse d’une population aux conditions de vie de plus en plus pénibles, mais qui refuse de voir nier sa réalité nationale ; elle a ainsi favorisé une union nationale jusqu’alors douteuse dans ce pays fracturé. Au début de 1923, Zelensky, pour l’encourager nettoie quelque peu son entourage douteux. Igor Kolomoïski est ainsi inculpé pour détournement de fonds d’une entreprise publique. Un chercheur commente : « Tout le monde sait que 90% des entreprises publiques ukrainiennes fonctionnent de cette manière ».

L’agression russe répond à trois objectifs : d’abord détourner vers l’hystérie chauvine favorisée par la guerre le mécontentement suscité par les difficultés croissantes de la vie quotidienne (de 2010 à 2022 Poutine a fermé la moitié des hôpitaux dans un pays aux distances énormes et aux routes médiocres) et pour certains par l’étouffement de toute liberté d’expression ; ensuite repousser la pression des Etats-Unis qui s’exerce à travers le ventre mou de l’Ukraine ; enfin endosser la défroque du sauveur de la patrie, en héritier lointain de Staline, dont il a récemment installé une statue à Volgograd.

L’échec de la guerre contre l’Ukraine menacerait ce triple objectif, voire l’avenir même de Poutine, réduit dès lors à brandir la menace de la guerre nucléaire.

Son échec conforterait le sentiment national ukrainien mais Zelensky devra tâcher de remettre en marche l’économie d’un pays ravagé par la guerre, marqué par l’abîme qui sépare les sommets de la société de la masse misérable de la population ; or la mainmise des oligarques et trafiquants ne sortira pas ébranlée de la guerre dont la fin effacera vite le sursaut patriotique provoqué par elle.  Cette nécessité renforcera la dépendance économique, financière et politique de l’Ukraine à l’égard des Etats-Unis et de l’Union européenne, et perpétuera donc les tensions avec Moscou. En 2015 l’un des fondateurs de L’agence de modernisation de l’Ukraine (AMU) déclarait : « l’Ukraine a besoin d’un plan Marshall s’élevant peut-être à quelques centaines de milliards d’euros ». Les ravages de la guerre multiplieront ce chiffre par trois ou quatre et arrimeront donc inévitablement plus encore l’Ukraine aux Etats-Unis et à l’Union européenne. Poutine par sa guerre a renforcé cet arrimage. Le proverbe le dit :« Quos vult perdere Jupiter dementat. »