Perles, suite…

Jean-Jacques Marie

Les Cahiers du mouvement ouvrier n’ont évidemment aucune vocation à émettre sous la plume de l’un de ses rédacteurs une opinion, sur ce qui a été, au fil des semaines, appelé le mariage gay ou le mariage pour tous. Mais, dans la rubrique « Perles », on peut se per­mettre de relever des affirmations surprenantes et/ou involontairement drôles proférées dans des écrits suscités par la polémique autour de ce qui est désormais une loi.

Dans un article du Monde daté des 14-15 avril 2013, intitulé Papableu, mamanrose, une certaine Florence Dupont, professeur de latin à Paris-Diderot, dénonce la détermination du sexe d’un enfant dès la naissance. Elle dénonce une situation qu’elle juge intolérable avec une argumentation assez originale : « D’un coup d’œil, le médecin ou la sage-femme a repéré les organes génitaux qui vont officiellement déterminer l’un ou l’autre sexe du bébé tant pis s’il y a un doute. Il faut choisir tout de suite. L’acte de naissance devra dans les trois jours dire si c’est une fille ou un garçon (…). Chacun va s’évertuer à lui inculquer son genre ».

Diable ! Si l’on comprend bien, le médecin et la sage-femme ne devraient pas examiner les organes génitaux pour savoir s’il s’agit d’une fille ou d’un garçon et, puisqu’ils seraient plus ou moins souvent confrontés à un doute sur le sexe de l’enfant (dû probablement à l’exis­tence de nombreux hermaphrodites), il faudrait attendre (combien de temps ?) pour déterminer ce qu’il est pour l’état-civil (à moins de supprimer l’état-civil… ce qui réglerait le problème ?) et, en attendant, ne lui donner comme prénom que l’un de ceux qui sont utilisés indifféremment pour l’un et l’autre sexe (et genre ?). Mais il n’y en a pas des masses. Les Claude et les Dominique se multiplieraient comme les champignons sous la pluie.

Dans le même ordre d’idées (si l’on peut dire), la députée socialiste de mon arrondissement de Paris, le XIIe, Sandrine Mazetier, a proposé de supprimer la dénomination « école maternelle », qu’elle déclare « sexiste ». Jusqu’au 14 mai 2011, cette Sandrine Mazetier soutenait avec ardeur Dominique Strauss-Kahn, dont la lutte obstinée contre le sexisme a pris des formes originales.

L’ « internationale » ? situâtionniste

Jean-Jacques Marie

Ses thuriféraires exaltent l’internationale situationniste qu’il avait créée en 1957. L’un de ces thuriféraires, Gilbert Lascaut, dans la Quinzaine littéraire datée des 16-30 avril 2013, fait de cette prétendue internationale (dite IS) la des­cription suivante : « Pendant l’entière durée de son existence, l’IS a compté moins d’une centaine de personnes » (en quinze ans, puisqu’elle est morte en 1972). Mais Guy Debord a affirmé, selon Gilbert Lascaut, que cinquante-neuf d’entre eux « n’ont rigoureusement rien apporté, mais ont pourtant été utiles à quelques moments » … On se demande en quoi, puisqu’ils n’ont « rigoureusement rien apporté ».

Gilbert Lascaut continue : « L’IS n’a jamais réuni plus d’une quinzaine d’individus à la fois ». Ce qui ne l’empêche pas de parler d’«organisation» et d’écrire sans rire : « Les contours de l’organisation et sa composition n’ont cessé de se renouveler ». Et l’auteur ajoute, enthousiaste : « Il se révèle, à chaque moment, un théoricien inventif, un chef de guerre, un poète, un cinéaste, un archiviste soigneux, un directeur rigoureux de revue, un maquettiste, un rebelle permanent, un “enragé. Sans aucun doute, il est le fondateur de l’IS, un animateur tenace et coriace du groupe, un acteur prédominant. A juste titre, le philosophe Giorgio Agamben le définit, d’abord, comme un stratège.»

Et avec tous ces talents, ce « chef de guerre » et « stratège » n’a jamais réuni plus de quinze individus à la fois, dont plus de la moitié n’ont,on l’a vu, rien apporté. Un vrai génie, ce Debord, qui gardait le double des lettres qu’il adressait aux autres pour des archives dont on a vu qu’elles ont rapporté gros à sa veuve.

Situationnisme … et liquidités

Jean-Jacques Marie

Guy Debord avait fondé dans les années 1960 une Internationale situationniste dont il était le grand penseur. Auteur, entre autres, de La Société du spectacle, il n’avait pas de mots assez durs pour le mouvement ouvrier. Dans Le Monde diplomatique (août 2006), un auteur du nom de Guy Scarpetta soulignait «la prodigieuse cohérence de sa pensée qui, parce qu’elle n’a jamais renié sa dimension révolutionnaire, offre les meilleures clés pour comprendre notre temps ».

Précisons que qui feuilletterait les deux mille et quelques pages des œuvres de Guy Debord serait bien en peine d’y trouver une explication de la crise qui secoue le monde et en particulier l’Europe depuis 2 006. Une information publiée dans Le Nouvel Observateur ( n°2508, 8 novembre 2012), en page 14 attire l’attention du lecteur sur la valeur des idées de Guy Debord. On y lit « Jusqu’alors les archives des grands penseurs étaient données. C ‘est le cas des archives de Claude Lévi-Strauss, Roland Barthes ou Jacques Derrida. La veuve de Guy Debord est la première à avoir vendu les fonds de son mari : en 2 010, pour contrer une offre de Yale et garder en France les cartons du pape des Situs, la BNF avait déboursé 2,7 millions d’euros ». Certes, feu Guy Debord n’est pas responsable de la décision de sa veuve … Mais que l’œuvre du dénonciateur de la « société du spectacle » acquière une telle valeur marchande pousse néanmoins à réfléchir sur la fonction réelle qu’on voudrait lui faire remplir dans la société d’aujourd’hui, même si en réalité tout le monde se fout du pseudo-révolutionnarisme de Guy Debord.

Vanitas Vanitatum

Laurent Joffrin, directeur de collection …

Jean-Jacques Marie

1er tr 2013

Depuis novembre 2 012, Le Nouvel Observateur présente une série de dix biographies des « géants du XX’ siècle » sous-titrée : « Une collection des meilleures biographies dirigée par Laurent Joffrin » ; par ailleurs directeur du Nouvel Observateur et dont la photographie orne sur la droite la reproduction de la couverture des dites biographies. En réalité, Laurent Joffrin propose aux lecteurs de son hebdomadaire dix biographies publiées depuis plus ou moins longtemps par les éditions Fayard sans qu’il ait apporté le moindre concours à ces publications, qui ne portent aucune indication d’un directeur de collection, mais dont la responsabilité incombait soit au directeur de Fayard soit au responsable de l’histoire dans cette maison d’édition. Pour Laurent Joffrin, il suffit donc d’acheter dix volumes édités sous la responsabilité d’autres que lui pour se donner le titre de directeur de collection. Cette vanité puérile est certes plus grotesque que révoltante … mais il faut quand même le faire.

Une perle rabbinique

Dans Les Juifs et leur avenir (Albin Michel), le rabbin Adin Steinsaltz affirme : « La culture juive est l’ensemble des pratiques de la religion juive » (p. 16), excluant ainsi environ 95 % de la culture juive … et même des juifs eux-mêmes, puisque, dans la même page, il affirme : « Dans la situation actuelle, seule une petite minorité du peuple juif peut être considérée comme véritablement juive » (p. 16). Qu’est donc la grande majorité ?

Une version originale du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes …

Raphaël Glucksmann vient de publier un livre sur la Géorgie.

Inutile, sans doute, de l’acheter, et plus encore de le lire. On peut en effet avoir un échantillon de sa « pensée » en relisant une phrase (une seule suffit) qu’il avait écrite dans Libération (25 août 2008) à propos de la Géorgie pour exalter le caractère profondément démocratique de son gouvernement.

Il y donne une vision nouvelle et originale du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Une vraie perle !  » Le gouvernement est formé de jeunes gens dont la double nationalité américaine, anglaise ou israélienne fait ressembler Tbilissi à une Babel occidentale plantée au cœur du Caucase « .

C’est sans doute pourquoi le démocrate Bush avait entièrement équipé et armé l’armée géorgienne, et l’avait encadrée de conseillers militaires américains. Tbilissi compte d’ailleurs une avenue George-Bush …

C’est aussi sans doute la même conception de la démocratie qui aboutit à ce que l’actuel président de l’Estonie soit un ancien citoyen américain qui fut un temps journaliste à Free Europe et l’actuel président de la Lituanie un ancien haut fonctionnaire américain. Deux perles supplémentaires.