Sortir des illusions du poutinisme
Gaïdz Minassian (Le Monde 21 mars 2016)
L’historien Jean-Jacques Marie se démarque (… et) signe (…) une analyse des plus fines et des plus complètes de la Russie postsoviétique.
(…). (Il) propose (…) pour (la) comprendre (…) de la prendre par les deux bouts, d’un côté, observer l’état de la société, de l’autre, se fonder sur la singularité du système politique, le pouvoir oligarchique (…).
Ainsi Vladimir Poutine (…) est aussi l’héritier d’une conception policière du pouvoir, de par son expérience au sein du KGB – aujourd’hui FSB –, mais aussi et surtout de par le fossé qui existe entre l’Etat coercitif et une société civile inexistante.
Enfant légitime du mariage entre le passé glorieux d’un soviétisme vétuste et la décennie eltsinienne vécue comme une humiliation, Vladimir Poutine brandit le patriotisme comme l’étendard d’un Etat slave triomphal et réparateur.
La Russie d’aujourd’hui offre ainsi le tableau d’une puissance retrouvée (…). Mais (…) la réalité n’a rien à voir avec cette image d’Epinal de la grandeur russe.
L’Etat ? Un appareil criminel généralisé. Les partis ? Des fantômes incapables de s’autonomiser du pouvoir. L’opposition ? Un concept creux quand ses figures ne sont pas assassinées. Les syndicats ? La Fédération nationale des syndicats indépendants est aux ordres du régime, alors que le vrai syndicalisme indépendant est pourchassé. L’Eglise ? Un instrument de surveillance morale à la face grotesque. Le gaz et le pétrole ? Des atouts aléatoires qui peuvent se retourner contre les élites, (…). Le prestige russe dans le monde ? (…) sa « diplomatie de nuisance » trahit (…) une peur de déclassement (…).
La corruption ? (un) Cancer. Le patriotisme ? Un sursaut artificiel et raciste (…) Enfin, les inégalités ? Endémiques et sans le moindre soupçon de justice sociale (…).
(…et) hanté par la peur de rater son rendez-vous avec l’Histoire, Vladimir Poutine ne peut concevoir d’alternative à son pouvoir absolu ni même penser l’avenir.