L’internationalisme en actes. La révolution russe dans le destin de militants polonais en Ukraine (1)

Par Eric Aunoble

De la trahison de la IIe Internationale – socialiste – en août 1914 à la fondation de la IIIe – communiste – à Moscou en mars 1919, des quelques militants opposés à la guerre réunis à Zimmerwald en 1915 à la vague révolutionnaire qui balaie l’Europe à partir de 1917, une certaine histoire de l’internationalisme est familière aux lecteurs des CMO. Elle voit des militants se tendre la main et agir pour le même bouleversement social par-delà des frontières.

Un aspect bien moins connu est l’action des étrangers dans les mobilisations révolutionnaires de leur pays de résidence. Dans le cas soviétique, l’historiographie officielle n’a reconnu qu’après la mort de Staline « la participation de camarades étrangers aux luttes et aux victoires du peuple soviétique » (2). On sait par exemple que Béla Kun et Josip Broz (Tito), soldats austro-hongrois faits prisonniers en Russie pendant la Première Guerre mondiale, rejoignirent les bolcheviks et furent appelés ultérieurement à devenir des dirigeants du mouvement communiste international. Ces deux noms ne doivent cependant pas occulter un phénomène beaucoup plus massif et qui n’est pas limité aux anciens « ennemis » de la Russie devenus des amis des soviets.

Les Polonais représentent à ce titre une configuration bien différente. La Russie avait absorbé la moitié de leur pays à la fin du XVIIIe siècle et, face aux révoltes de 1831 et 1863, la puissance tutélaire avait intensifié sa politique assimilationniste : les Polonais étaient des sujets russes. Cela n’avait pas étouffé leur esprit de rébellion, comme on l’avait vu en 1905. La première révolution russe y avait pris un caractère radical, comme en témoigne l’insurrection de la ville industrielle de Łódź. Les Polonais trouvent donc naturellement leur place dans la révolution commencée en février 1917 avec le renversement du tsar. Et certains prolongent cet engagement vers Octobre et au-delà en prenant le parti des Rouges (3).

Les pages qui suivent sont fondées sur l’étude des dossiers personnels de 29 de ces révolutionnaires polonais conservés aux archives de Kiev et de Kharkov, les deux principales villes d’Ukraine soviétique (4). Si l’échantillon est réduit, il a l’avantage de permettre une étude approfondie des parcours militants. En effet, ces dossiers consistent en des souvenirs sur la révolution, des questionnaires administratifs et des relevés d’états de service rédigés pour l’appareil d’État ou celui du Parti communiste (5). Ce type de documents biographiques et autobiographiques permet de retracer précisément les trajectoires individuelles. On peut suivre les migrations et comprendre leurs causes. L’implication individuelle dans la révolution de 1917 et la guerre civile apparaît ensuite à travers les différentes formes d’action adoptées par les uns ou les autres. Enfin, le parcours ultérieur des 29 révolutionnaires polonais jusque dans les années 1960 donnera une idée de l’impact de la commotion révolutionnaire sur l’ensemble de leur vie, tant professionnelle que politique.

Des Polonais en Ukraine en 1917

La présence de Polonais en Ukraine en pleine guerre mondiale est le premier tour de leur destin à élucider. Certes, au début du XXe siècle, on comptait un demi-million de Polonais ethniques vivant sur ces territoires de l’Empire russe depuis des générations : ils étaient les descendants d’une noblesse qui avait dominé la rive droite du Dniepr jusqu’à la révolte cosaque de Bohdan Khmelnytsky en 1648 qui avait fait tomber ces régions dans l’escarcelle de Moscou. Marqués par deux siècles et demi de déclassement, cette communauté polonaise d’Ukraine était profondément conservatrice. Également très anti-russes, ses représentants ont néanmoins participé à l’effervescence politique de 1917 en soutenant d’abord les velléités nationalistes ukrainiennes (6). En tout cas, ce milieu n’était pas un vivier de bolcheviks et nos 29 révolutionnaires n’en étaient pas issus. En effet, ils appartiennent très majoritairement aux classes laborieuses (25 d’entre eux n’ont pas fait d’études secondaires ou supérieures) et, d’ailleurs, seuls quatre d’entre eux étaient nés en Ukraine. Vingt-et-un étaient au contraire originaires de l’ancienne Pologne sous domination russe, c’est-à-dire du « Pays de la Vistule » et de la province de Vilno dans la terminologie tsariste.

Dès lors, se pose la question de savoir comment ces 21 natifs de Pologne se sont retrouvés sur les rives du Dniepr en 1917. Neuf étaient partis vers l’Ukraine ou la Russie avant guerre. Un orphelin avait été recueilli par sa tante à Moscou. Les autorités tsaristes en avaient exilé deux. Deux autres étaient partis poursuivre leurs études, l’un à Kiev et l’autre à Saint-Pétersbourg. Surtout, quatre avaient émigré pour trouver du travail dans la région industrielle du Donbass. Ultérieurement, c’est la guerre qui provoque des déplacements de population après août 1914. Dans notre échantillon de 29, huit soldats polonais de l’armée tsariste et sept civils évacués arrivent ainsi en Ukraine. Ils sont représentatifs d’un mouvement bien plus vaste. Plus de 600 000 Polonais sont conscrits dans l’armée russe (7) et 160 000 d’entre eux combattent sur le front sud-ouest, c’est-à-dire en Ukraine. Au même moment, 100 000 à 260 000 Polonais ayant fui l’offensive allemande de 1915 ont trouvé refuge à l’est du Dniepr.

Cette communauté polonaise réfugiée a une composante prolétarienne affirmée : 31 usines ont été évacuées de Pologne en Ukraine, particulièrement vers les régions industrielles de Kharkov et d’Ekaterinoslav (aujourd’hui Dnipro). Deux ouvriers de notre échantillon sont ainsi venus de Varsovie à Krementchoug avec l’usine de mécanique et d’armement Lilpop. De tels déplacements favorisent le contact entre des ouvriers aux parcours différents. L’entreprise métallurgique Rudzki & C°, transférée de Mińsk Mazowiecki à Ekaterinoslav, a complété son personnel sur place. Elle recrute au début 1917 Albert Wojciechowicz, un Polonais né à Wilejka (province de Vilno) en 1877. Il était arrivé à Ekaterinoslav dès 1896 pour travailler comme modeleur. C’était aussi un militant bolchevique depuis 1903. Côtoyant désormais des compatriotes à l’usine, il peut faire le lien entre les mouvements ouvriers russe et polonais.

Ces quelques exemples donnent une idée des circulations qui ont aidé à former une seule classe ouvrière à partir d’individus d’origines diverses. Ils rappellent aussi que la guerre a déstabilisé les cadres sociaux en provoquant d’importants déplacements de populations, dont la création d’une masse de soldats déracinés n’est pas le moindre aspect. Enfin, pour (re-)connecter des groupes humains dispersés par la guerre, les militants ont joué un rôle central.

Or, sur les 29 Polonais de notre échantillon, 18 avaient commencé à militer avant 1917. Quatre étaient membres de la Social-démocratie du royaume de Pologne et de Lituanie (SDKPiL), le parti marxiste dirigé par Felix Dzerjinski et Rosa Luxemburg. Neuf avaient milité au Parti socialiste polonais (PPS), une organisation populiste et nationaliste créée par Józef Piłsudski. Six avaient cependant appartenu à son aile gauche (Lewica), constituée en 1906. Si cinq s’étaient engagés dès avant 1905, la première révolution en avait poussé dix autres à militer, parfois de façon radicale et terroriste. Ainsi Bolesław Skarbek, né en Russie dans une famille d’exilés politiques polonais, entre à la fraction « révolutionnaire » du PPS (Frak), politiquement droitière, mais qui combattait le tsarisme avec des bombes et des revolvers. Inversement, Sergiusz Konarski, qui était né à Varsovie, avait rejoint à l’âge de 17 ans l’organisation de combat du Parti socialiste-révolutionnaire (S-R) russe en 1907.

 De la révolution à la guerre civile

En 1917, nos héros ont 27 ans en moyenne et cette année marquera un nouveau tournant dans leur politisation alors qu’ils sont rapidement pris dans le tourbillon de la révolution en Russie. Les organisations autrefois clandestines apparaissent au grand jour et tentent d’encadrer les mobilisations. À Kiev, les « socialistes » du PPS-Frak s’accordent en mars avec les nationaux-démocrates pour constituer un « Comité exécutif polonais » en Ukraine d’orientation nationaliste. En revanche, à Kharkov, le PPS-Lewica constitue avec la SDKPiL en avril une Union socialiste polonaise (PSZ) qui s’allie aux mencheviks et aux socialistes juifs du Bund pour les élections municipales de l’été. Ce bloc explose fin août et on observe alors la création de groupes concurrents de la SDKPiL, du PPS-Lewica et du PPS-Frak au centre et à l’est de l’Ukraine parmi les soldats et réfugiés, à Kharkov, Odessa, Kiev, Ekaterinoslav, Lougansk et Aleksandrovsk. Pendant ce temps, les nationaux-démocrates s’affirment à l’ouest de l’Ukraine comme les représentants des Polonais « de souche ».

Un des centres de cette vie politique particulièrement animée se tient dans les « Maisons polonaises » (Dom Polski), créées entre autres à Kharkov ou Odessa à l’initiative des nationalistes. Elles deviennent néanmoins un vivier également pour les forces les plus à gauche. La seule femme de notre échantillon était en 1917 une réfugiée polonaise de 16 ans qui fréquentait le Dom Polski de Marioupol sur les rives de la mer d’Azov. La jeune fille avait été attirée par un groupe de jeunes révolutionnaires venus du Donbass et s’était politisée à leur contact, participant tant aux discussions qu’aux sorties entre jeunes. Il ne faut toutefois pas en conclure que ces militants polonais vivent en circuit fermé dans leur communauté nationale. Malgré leurs profondes divergences (sur la question nationale notamment) la SDKPiL et le Parti bolchevique entretenaient des relations étroites avant 1914 et l’opposition commune à la guerre avait à son tour rapproché le PPS-Lewica des deux autres partis (8). En 1917, la SDKPiL en Russie et le Parti bolchevique formalisent leur relation privilégiée dès le printemps et créent des comités locaux conjoints à Lougansk et Ekaterinoslav où ils se présentent ensemble aux élections municipales. Les historiens Pavlo Haï-Nyjnyk et Maksym Potapenko considèrent même que la SDKPiL était de fait la « section ethnique polonaise du Parti bolchevique » en Ukraine.

Cette proximité entre les gauches radicales polonaise et russe favorise un engagement transnational et transpartisan. Le dossier de Stanilas Redens mentionne qu’il était né en Mazovie et était arrivé à Kamenskoïe (près d’Ekaterinoslav) comme apprenti à l’âge de 10 ans en 1902. Il était devenu bolchevik en 1914. Pourtant, on le retrouve en 1917 comme secrétaire de la section locale de la SDKPiL. Inversement, quatre autres militants de notre échantillon passent d’une organisation polonaise (SDKPiL et PPS-Lewica) au Parti bolchevique. Plus généralement, le bouillonnement révolutionnaire favorise les déplacements politiques. Parmi les sept nouveaux adhérents du parti de Lénine en 1917, on trouve aussi l’ancien terroriste S-R, passé d’abord par le parti S-R de gauche. Il y a surtout deux jeunes Polonais de 19-20 ans dont c’était le premier pas en politique et qui avaient franchi le pas en adhérant à une organisation radicale russe.

L’adhésion à un parti n’est cependant pas la seule forme d’action en cette année de révolution, qui voit la création par la base d’institutions nouvelles. Vingt-quatre des 29 Polonais s’investissent dans un ou plusieurs de ces organes. Sept sont élus dans des soviets (dont ils faut noter qu’ils étaient ouverts aux délégués de toutes origines (9) dont trois ont un rôle dirigeant au sein du comité exécutif (Ispolkom) du soviet de Kharkov. Il s’agit des militants les plus aguerris : Felix Kon, dont la première arrestation remontait à 1884, était un dirigeant du PPS-Lewica arrivé en ville à l’automne 1917. Il y retrouve les deux anciens terroristes polonais déjà passés au bolchevisme, Skarbek (ex-PPS-Frak) et Konarski (ex-S-R). Ce dernier avait été élu à la section militaire du soviet et il faut noter que quatre autres militants de notre échantillon étaient des délégués de soldats, aux comités de régiment ou aux soviets dans d’autres villes. L’activisme sur le lieu de travail est assez peu représenté, avec quatre hommes impliqués dans un comité de grève, un comité d’usine ou un syndicat. En revanche, on trouve neuf cas d’engagement dans la Garde rouge. Ce déséquilibre peut s’expliquer de plusieurs manières. D’abord, les comités ne rassemblent que des élus alors que la Garde rouge recrute tous les volontaires en bonne condition physique. On peut aussi imaginer qu’une origine étrangère dispose moins à s’exprimer dans un organe délibératif qu’à porter le fusil. Toujours est-il que les gardes rouges polonais participent avec leurs camarades aux premiers combats pour le « pouvoir des soviets » après Octobre.

En Ukraine, la révolution se transforme en effet rapidement en guerre civile comme en témoignent les actions d’Ignacy Drożniak. Social-démocrate, cet ouvrier métallurgiste originaire de Częstochowa avait été exilé à Kramatorsk, dans le Donbass, après 1905. Au moment du putsch de Kornilov en août 1917, il concoure à la formation de la Garde rouge dans son usine. En décembre, il combat les « bandes blanches » de Kalédine qui descendent à travers le Donbass pour gagner la région cosaque du Don, base arrière de la contre-révolution. Ensuite, il affronte les troupes de la Rada, le conseil central ukrainien qui a proclamé l’indépendance du pays en réponse immédiate à l’insurrection bolchevique d’Octobre. En avril 1918, après le traité de Brest-Litovsk, l’armée allemande occupe l’Ukraine. Drożniak « participe à l’organisation clandestine d’un soulèvement armé » et remporte quelques victoires contre la « garde de l’Hetman », la police supplétive ukrainienne. Un an plus tard, « l’organisation de détachements de combat armés » recommence, cette fois contre le général blanc Dénikine qui prend le Donbass à la fin du printemps 1919. Ce passage de la lutte politique à la lutte armée est un phénomène général. Sur les 23 Polonais de notre échantillon qui furent actifs en Ukraine entre 1918 et 1921, 19 combattirent dans l’Armée rouge ou, clandestinement, à l’arrière des Blancs. Ceux qui ne prennent pas part aux combats s’engagent dans la création des institutions du nouvel État. Redens quitte l’Ukraine en décembre 1917 pour fonder la Tcheka à Moscou, tenant localement le même rôle qu’un Dzerjinski à l’échelle de la Russie rouge.

 Vers une révolution polonaise ?

D’autres responsables polonais bolchevisés s’investissent dans les affaires de leur communauté. La masse des Polonais conscrits ou évacués en Ukraine se retrouvent en effet dans une situation impossible avec la paix qui se profile : l’État russe dont ils dépendaient n’existe plus et la guerre qui les avait éloignés de chez eux touche à sa fin. Et quelle peut être désormais leur place dans une guerre civile qui commence autour des dépouilles de la « grande Russie » entre Rouges, Blancs et Ukrainiens ? La jeune fille qui avait été politisée à la Maison polonaise de Marioupol avait vécu 1918 dans une atmosphère de peur, dans l’attente d’un rapatriement.

Les bolcheviks créent dès décembre 1917 des « commissariats polonais » intégrés à l’administration soviétique à tous les niveaux, local, ukrainien et central. On y retrouve des militants aguerris. À Kharkov, Skarbek et Kon s’adjoignent les services d’un camarade d’avant-guerre de ce dernier, Stanisław Górniak. À Slaviansk, dans le Donbass, le commissariat polonais est dirigé par Stanisław Tołwiński, un militant du PPS-Frak que la révolution de Février avait sorti des prisons tsaristes.

Les commissariats ont un rôle éducatif et politique en stimulant dans la communauté polonaise locale une vie culturelle à la soviétique, telle que promue par Anatoli Lounatcharski à Moscou. La première tâche des commissariats est toutefois d’aider au rapatriement des Polonais. Dans notre échantillon, neuf personnes rentrent en 1918-1919 et le mouvement s’accélère à partir de la fin 1918 quand la Pologne accède à l’indépendance. Ainsi, les ouvriers de l’usine Gerlach & Pulst évacuée à Kharkov rentrent tous chez eux à Varsovie en avril 1919, ce qui est l’occasion d’une cérémonie organisée par le commissariat. Toutefois, avec ces rapatriements de masse, la communauté des Polonais réfugiés en Ukraine disparaît peu à peu et les « commissariats polonais » cessent leur activité au milieu de 1919.

Ne restent alors en Ukraine que les plus engagés auprès des bolcheviks. Ils n’avaient formé de section nationale au sein du Parti communiste qu’au printemps 1919, quand la fédération des communistes étrangers, fondée un an plus tôt à Moscou, a été transférée à Kiev dans la perspective d’une offensive révolutionnaire vers l’Europe centrale. Rappelons que les conseils ouvriers s’affirment en Hongrie au même moment. Formée tardivement, la section polonaise du PC en Ukraine rencontre un grand succès : elle compte 300 membres rien qu’à Kiev. Elle commence à publier de nombreux journaux : Komunista Polski (Le Communiste polonais), puis Głos komunisty (La Voix du communiste)à Kiev, Komuna à Odessa, Sztandar Komunizmu (le Drapeau du communisme)à Kharkov et Kiev… Ces publications sont supervisées par le même noyau de responsables : Kon et Skarbek s’occupent par exemple de Sztandar Komunizmu et Głos komunisty.

Un an plus tard, en 1920, alors que le conflit s’exacerbe entre les soviets et la Pologne de Piłsudski, un bureau polonais est créé auprès du comité central du PC d’Ukraine. La section politique de l’Armée rouge pour le front sud-ouest lance quant à elle un journal, Żołnierz Polski (Le Soldat polonais, nommé ultérieurement ensuite Żołnierz Rewolucji, Le Soldat de la révolution) qui entend saper l’armée polonaise. En juillet 1920, quand l’avancée de l’Armée rouge vers Varsovie semble invincible, un Comité révolutionnaire polonais (Polrevkom) de huit membres est fondé à Białystok. Dirigé par Feliks Dzerjinski et Julian Marchlewski, il doit attiser les braises d’un soulèvement des classes pauvres en Pologne et prendre le pouvoir. Cet espoir fait long feu quand Piłsudski joue du sentiment patriotique pour provoquer le « miracle sur la Vistule » contre l’Armée rouge. Les membres du Polrevkom seront désormais considérés comme des traîtres. Il faut reconnaître que ces huit hommes étaient moins représentatifs des masses en Pologne que du petit milieu polonais radical en Russie rouge (où ils vivaient). On trouve d’ailleurs deux Polonais « ukrainiens » au Polrevkom, Feliks Kon (de notre échantillon) et Stanisław Bobiński qui avait représenté la SDKPiL au premier congrès du PC d’Ukraine en 1918.

 De la révolution au stalinisme

Le destin ultérieur de ces militants illustre celui de la révolution, tant dans sa dimension soviétique qu’européenne. En effet, sur les 29 Polonais étudiés ici, 17 sont rentrés en Pologne et 12 sont restés en URSS.

À première vue, la réussite de ceux qui restèrent au pays des soviets à la fin de la guerre civile est éclatante. Sur douze, seuls deux n’ont pas décollé du bas de l’échelle sociale durant les années 1920-1930. Leur cas est d’ailleurs intéressant. Le premier, Franciszek Kowalczyk , né en 1877, était cordonnier et membre du PPS-Lewica. Il est garde rouge à Kharkov en 1917, adhère au Parti bolchevique en février 1918 et rejoint un détachement de partisans rouges qui combat les Allemands. En 1935, toujours ouvrier dans une usine de chaussures, il était seulement passé contremaître. Comme il écrit maladroitement en russe, on peut penser qu’il n’avait pas les qualités requises pour devenir un apparatchik.

L’exemple de Stanislas Kaczkowski montre les problèmes d’intégration d’un « héros de la révolution » dans la société soviétique après quatre ans de chaos. C’est lui qui avait été recueilli à l’âge de 10 ans par une tante de Moscou, après que son père a été tué dans une manifestation à Poznań en 1905. En 1917, il s’engage dans la Garde rouge et passe logiquement dans l’Armée rouge quand la guerre civile commence. Grièvement blessé pendant la campagne de Pologne en 1920, il est hospitalisé pendant un an et reste ensuite en Ukraine mais ne s’établit pas vraiment. Il vit de petits boulots et déménage souvent de ville en ville. Malgré ses excellents états de service de soldat rouge, il vit aux marges de la société. En 1933, il est accusé d’un meurtre à Kiev et disparaît sans que les autorités soviétiques n’arrivent à l’arrêter.

Excepté ces deux cas, tous les anciens révolutionnaires polonais installés en Ukraine deviennent des officiels : un élu local au soviet et au comité du parti et quatre directeurs d’usine ou au moins d’une succursale d’entreprise. Kon, Konarski et Redens furent les trois plus haut placés dans l’appareil d’État. Membre du Comité exécutif central (TsIK) panrusse depuis 1920, Feliks Kon fut élu en 1921 aux deux plus hautes instances d’Ukraine : les TsIK de la république et le secrétariat du PC d’Ukraine. Jusqu’à sa mort en 1941, il occupa des postes honorifiques où il se prévalait de sa proximité avec Lénine dans l’exil suisse (en omettant de rappeler leurs désaccords en 1917 et le qualificatif de « vieil imbécile » que Vladimir Ilitch lui avait attribué).

Konarski, l’ancien terroriste S-R élu délégué de régiment et devenu bolchevik en 1917, s’était spécialisé dans le droit à la fin de la guerre civile. Il travaille au commissariat du peuple à la Justice d’Ukraine puis au Plan d’État (Gosplan), avant d’être nommé à la tête de l’Institut de l’administration et du droit soviétique, sorte d’équivalent de l’ENA, destiné à former les hauts fonctionnaires de la République soviétique d’Ukraine. Il est arrêté et exécuté en 1937 sur l’accusation d’avoir participé à une organisation nationaliste polonaise contre-révolutionnaire. Redens, qui avait quitté l’Ukraine en 1917 pour fonder la Tcheka de Moscou, a occupé par la suite des postes dirigeants au Guépéou et au NKVD en Russie, en Ukraine, en Crimée, au Caucase et au Kazakhstan. La roche Tarpéienne étant proche du Capitole, Redens est arrêté en novembre 1938. Il est condamné à mort comme espion polonais et la sentence est exécutée en février 1941. Il fut une des dernières victimes de la Grande Terreur stalinienne et particulièrement de son volet polonais.

Pour comprendre les ressorts de la persécution spécifique des Polonais sur le sol soviétique (plus de 110 000 exécutions en 1936-1938 (10), le cas de Skarbek est éclairant parce qu’il anticipe sur la Grande Terreur. Skarbek est en effet exécuté dès 1934 sous l’inculpation d’avoir tenté de « renverser le pouvoir soviétique par un soulèvement armé ». Ces accusations n’avaient aucun fondement, si ce n’est l’investissement continu de Skarbek dans les institutions polonaises en Ukraine soviétique, institutions mises en place selon la politique nationale promue par Lénine. Ainsi, il avait dirigé le Bureau polonais auprès du Comité central du PC d’Ukraine en 1920-1923 et avait travaillé par la suite à la rédaction de plusieurs journaux polonophones : Sierp (La Faucille) à Kiev en 1923-1924 et Kharkov en 1929-1930, Trybuna Radziecka (Tribune soviétique) à Moscou en 1926-1928 ; Poradnik Oswiatowy (Le Vademecum pédagogique)à Kharkov en 1930-1932. Le Guépéou lui fit avouer qu’une des tâches de l’« Organisation militaire polonaise » dont il aurait été membre était justement « d’utiliser les institutions culturelles et éducatives pour répandre les idées nationalistes polonaises ».

Parmi les 17 Polonais de notre cohorte rapatriés en Pologne, 14 ont continué de militer dans des organisations de gauche à leur retour au pays. On en retrouve trois au PPS qui, privé de son aile gauche passée au communisme et débarrassé de la tutelle de Piłsudski, est le principal parti ouvrier de l’entre-deux-guerres. Les onze autres sont restés dans le mouvement communiste. Un, émigré en France, milite quelques années au PCF (11), les dix autres au Parti communiste polonais. Mais celui-ci est dissous en 1938 par une décision secrète du Komintern, prise sur ordre de Staline, comme une retombée extérieure de la persécution paranoïaque qui sévit en URSS contre les Polonais (12). Leur passeport polonais ne protégeait même pas les communistes dès lors qu’ils se trouvaient à portée du Guépéou-NKVD. Deux cas en témoignent cruellement. Stanisław Kościelewski, après avoir milité à Odessa en 1918, était rentré en Pologne l’année suivante pour poursuivre ses activités révolutionnaires. Dans ce cadre, il fait la navette avec l’Union soviétique. Il est arrêté à Kiev en 1935 et restera emprisonné en camp jusqu’à la guerre.

Le cas de Jan Lubienecki est encore plus tragique. Ouvrier militant à la SDKPiL, il avait été exilé par les autorités tsaristes à Kamenskoïe, banlieue industrielle d’Ekaterinoslav, après un séjour en prison en 1914-1915. En 1917, il adhère au Parti bolchevique et participe à la création de la Garde rouge locale qui combat les premières unités blanches dès la fin 1917. Rapidement acculé par les Allemands au printemps 1918, il passe quelques mois dans la clandestinité avant de gagner Voronej, en Russie rouge. Il y travaille au comité des réfugiés et à la Tcheka, sans oublier ses responsabilités politiques à la SDKPiL et au Parti bolchevique. Fin 1918, il rentre en Pologne et intègre le comité central du Parti communiste ouvrier de Pologne nouvellement créé. Son militantisme lui vaut plusieurs arrestations dans les années 1920. Pourtant, s’il quitte la Pologne et devient un agent international du Komintern en 1929, ce n’est pas à cause de la répression mais en raison des luttes de fraction qui l’ont fait exclure du comité central. Après plusieurs « missions », dont deux ans passés en Chine, il réintègre finalement l’appareil du Parti polonais en 1935 et fait dès lors des allers-retours réguliers à Moscou. Il y est arrêté et exécuté en 1937 (13).

À partir de 1939, la guerre confronte de nouveau les 16 anciens participants de la révolution en Ukraine qui restent en Pologne à des situations extrêmes. Deux servent dans l’armée polonaise contre l’Allemagne, l’un restant prisonnier. Deux communistes sont déportés en camps de concentration. Quatre entrent dans la résistance, un dans l’Armia Krajowa nationaliste, un avec les socialistes et deux dans le Parti ouvrier polonais (PPR), organisation stalinienne recréée sur ordre de Moscou en 1942. Enfin, trois qui avaient été soviétisés en 1939 combattent soit dans l’Armée rouge, soit dans la division polonaise Kościuszko formée par les Soviétiques en 1943.

Après-guerre, dix rejoindront le Parti ouvrier unifié polonais (PZPR), issu de la fusion forcée en 1948 entre le parti socialiste et le parti stalinien. C’est le parti au pouvoir et il n’est donc pas étonnant qu’il offre des perspectives de carrière. On peut considérer que neuf membres de l’échantillon appartiennent à l’élite sociale de la République populaire de Pologne : cinq ont des responsabilités locales (dans l’économie, dans les assemblées ou au parti), un devint officier et trois occupèrent des postes centraux, au Parlement (Sejm) ou au ministère de l’Intérieur. Parmi eux, un seul (14) subit une exclusion du parti à la fin de la période stalinienne (1951-1957), mais il faut noter qu’il occupa néanmoins sans discontinuer des directions d’usine de 1948 jusqu’à sa retraite en 1960. Ajoutons le cas d’un Polonais né en Ukraine et resté en URSS qui s’installe dans le pays de ses ancêtres en 1945. C’est un vétéran de la division Kościuszko qui a le grade d’officier dans la nouvelle armée polonaise. Sans doute participait-il de la politique soviétique d’encadrement des structures de force de la nouvelle République populaire (15).

On sait, en revanche, peu de choses de ceux qui, dans notre échantillon, n’ont pas gravi l’échelle sociale à commencer par les sept qui n’étaient pas entrés au PZPR. Néanmoins, l’absence de carte du parti ne signifie pas forcément une réserve politique. Ainsi, la seule femme de l’échantillon, celle qui, jeune fille, avait découvert la politique en fréquentant des révolutionnaires à la Maison polonaise de Marioupol, a travaillé après 1945 comme simple bibliothécaire. Elle appartenait tout de même à deux « organisations de masse » du régime, la Ligue des femmes polonaises (LKP) et la Société d’amitié polono-soviétique (TPPR).

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Ces biographies donnent matière à réflexion sur certains points nodaux de la révolution russe et du mouvement communiste. Le processus de mobilisation révolutionnaire se lit dans leur parcours : en 1917, un cadre de militants aguerris qui agissent dans les organisations larges constituées après Février sur des bases nationales et civiques (Maisons polonaises) ou sociales et professionnelles (comités et soviets). Ils politisent de nouvelles vagues de néophytes dans une atmosphère de débat entre des organisations aux orientations diverses. En revanche, dès la fin de l’année, l’action des militants radicaux se militarise de façon sensible mais graduelle. La Garde rouge constituée contre Kornilov en septembre mène ses premiers combats en décembre et devient une unité mobile de partisans au début 1918, à l’arrivée des Allemands. Ainsi détachés des communautés de vie et d’activité qu’ils avaient reconstitué en Ukraine, les militants deviendront facilement des soldats de l’Armée rouge, amenés à combattre n’importe où dans l’ancien empire. L’alternative est l’intégration dans l’appareil du parti ou dans celui des soviets, ce qui signifie également des déplacements au gré des nécessités de service et de la fortune militaire des Rouges. En un an et quelques mois, des militants ouvriers sont devenus des militaires ou des apparatchiks qui ont largement coupé les liens avec leur base sociale (laquelle, dans le cas des Polonais d’Ukraine, cherche avant tout à être rapatriée).

Ces hommes et cette femme, très majoritairement issus de la classe ouvrière, ont forcé le destin en participant à la révolution : ils ont finalement accédé à des positions et des responsabilités inimaginables pour des prolétaires. On ne peut nier que le stalinisme ait fonctionné comme un ascenseur social, ce qui explique aussi le soutien dont a pu bénéficier un régime particulièrement oppressif par ailleurs. Il est intéressant à ce titre de comparer le parcours des Polonais devenus soviétiques à celui des rapatriés. La moindre proportion de promus parmi les seconds s’explique sans doute par les 25 années « perdues » hors de la matrice bureaucratique : en 1945, ceux qui n’étaient pas déjà dans l’appareil repartaient au mieux de zéro ; au pire, ils ne pouvaient plus y accéder car ils avaient entre-temps suivi d’autres voies politiques ou parcours de vie. En revanche, ceux qui étaient restés dans les registres de la bureaucratie soviétique disposaient, sauf exception, d’opportunités de promotion. Néanmoins, ils étaient également à la merci d’une rafle. Le taux de victimes de la répression stalinienne est en effet très élevé : cinq condamnés à mort et un prisonnier des camps sur 29 personnes, soit plus d’un cinquième de l’échantillon (parmi les Polonais soviétiques, la proportion monte même à un tiers, 4 sur 12) !

Notons qu’avant la répression stalinienne la « polonité » des personnes restées en Ukraine soviétique ne jouait qu’un rôle marginal : à l’exception de Skarbek qui était devenu un « Polonais professionnel » travaillant dans les structures officielles dédiées aux nationalités, les 11 autres ne mettaient pas leur origine en avant et se comportaient en citoyens et travailleurs soviétiques génériques. Il reste que leurs fiches de renseignement d’adhérents du parti ou d’anciens combattants rouges portaient systématiquement la mention de leur nationalité, même si dans les années 1920 ce critère n’avait aucune importance par rapport à l’origine sociale et à la date d’adhésion au parti. La situation s’infléchit radicalement en 1932 quand le passeport intérieur, devenu obligatoire, indique la nationalité juste après le nom et la date de naissance (16). On était bien loin de l’internationalisme pratiqué spontanément dans les soviets en 1917 et tout était désormais prêt pour délimiter administrativement et exclure politiquement les groupes que le pouvoir présenterait, sur critère national, comme un danger pour l’État.

On comprend pourquoi la trace de ces étrangers qui avaient participé à la révolution et à la guerre civile fut longtemps indiscernable. Dans les années 1920, les nombreuses publications d’histoire révolutionnaire mettaient en valeur l’appartenance de classe et l’affiliation partisane, sans préciser de nationalité. Seule la consonance d’un nom pouvait suggérer que tel ouvrier bolchevique du Donbass était plutôt originaire du bassin de la Vistule. Par la suite, dans les années 1930, la terreur a fait peser une chape de plomb sur toute la mémoire des révolutionnaires mais encore plus sur les allogènes et particulièrement les Polonais, même et surtout communistes. Après-guerre, seule la constitution d’une Pologne « socialiste », alliée de l’URSS, permit de redécouvrir l’existence d’une composante polonaise du mouvement communiste. Il fallut pourtant attendre la déstalinisation pour qu’on dévoile en URSS l’apport des étrangers en 1917.

Ce retour tardif de la vérité historique est limité à la période « héroïque » des événements révolutionnaires. Les publications indiquent éventuellement la date de décès d’un militant en 1937 ou 1938, mais sans en préciser la cause. Et même les dossiers internes transmis par l’Institut d’histoire du parti polonais à son homologue ukrainien précisent pudiquement que tel ou tel avait finalement été « victime d’une provocation ». Quant aux survivants, ils avaient adopté depuis longtemps le discours historique officiel par mimétisme, par opportunisme ou par peur. Ils avaient même participé à le construire. En 1934, Feliks Kon concluait un discours devant l’association des anciens prisonniers politiques en s’écriant : « Vive la révolution mondiale ! Vive notre grand guide, le camarade Staline ! » Même après la mort de ce dernier, il restait difficile de faire un retour critique sur le passé. Arrivé de Pologne en 1905 et bolchevik depuis 1915, Wacław Trzaskowski se plaint au directeur de l’institut d’histoire du parti ukrainien dans les années 1960 :

« La vieille génération qui a eu la chance de voir Lénine vivant et de discuter avec lui n’avait pas la possibilité d’écrire quoi que ce soit à ce sujet parce que Staline et ses acolytes l’avaient interdit. »

C’est toutefois moins l’antistalinisme qui le motivait qu’une ambition étouffée d’écrivain : ayant publié ses souvenirs dès les années 1920, il avait dû se taire pendant deux décennies. Il se rattrapait en inondant l’institut d’histoire du parti de 200 pages de lettres et mémoires entre 1956 à 1967 !

Or qu’avait à dire cette vieille génération révolutionnaire à la nouvelle, qui se posait des questions entre déstalinisation et persistance de l’emprise bureaucratique ? Dans l’un des 29 dossiers consultés, on lit cette déclaration écrite dans les années 1960 par l’ancien partisan rouge Ignacy Drożniak :

« Je veux dire à nos jeunes successeurs : souvenez-vous du prix élevé que nous avons payé pour la victoire d’Octobre. Vous devez conserver les merveilleuses conquêtes du peuple soviétique comme la prunelle de vos yeux. »

La répétition d’un discours figé depuis les années 1930 ne pouvait pas répondre aux attentes des jeunes Soviétiques des années 1960.

La mémoire de ces révolutionnaires internationalistes s’est ainsi abîmée il y a bien longtemps dans l’édification de régimes bureaucratiques dictatoriaux. Est-elle perdue pour autant ? Qu’on y réfléchisse aujourd’hui, alors que la question des « migrants » sert de prétexte à des assauts de xénophobie. Il y a 100 et quelques années, les vicissitudes de la vie, la nécessité économique et surtout la guerre avaient jeté loin de leur terre natale des centaines de milliers de prolétaires et, parmi eux, quelques militants aguerris. Ces « étrangers » s’étaient impliqués dans la vie politique et sociale de leur pays d’accueil. Ils avaient participé à sa fermentation révolutionnaire, notamment au sein des organisations ouvrières, et on les retrouva au premier rang de la lutte pour une révolution mondiale.

 (1) Ce travail a été mené dans le cadre du projet Mémoires divisées, mémoires partagées. Ukraine/Russie/Pologne (XXe-XXIe siècles) : une histoire croisée, soutenu par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique. Je remercie particulièrement l’initiatrice du projet, Korine Amacher, pour ses précieuses remarques sur ce texte.

(2) M. Vistinetski, Sous le Drapeau du travail : textes et documents. Recueil, Moscou, Éditions en langues étrangères, 1957, p. 8.

(3) Konrad Zieliński, « Remarks about the Activity of Polish Communists in Soviet Russia 1918-1922 », Annales Universitatis Mariae Curie-Skłodowska Lublin – Polonia, vol. XXIII, 1, (2016).

(4) Les historiens du Bloc avaient dénombré au total 1 300 Polonais pro-bolcheviques dans tout l’ex-empire, dont quelque 150 dans les provinces du sud-ouest, c’est-à-dire en Ukraine.

(5) On trouvera ci-après la liste succincte des sources et de la bibliographie consultées en polonais, en russe et en ukrainien.

(6) Daniel Beauvois, Pouvoir russe et noblesse polonaise en Ukraine : 1793-1830, Paris, CNRS éd., 2003 ; Le Noble, le serf et le revizor : la noblesse polonaise entre le tsarisme et les masses ukrainiennes : 1831-1863, Paris, Éd. des Archives contemporaines, 1985 ; La bataille de la terre en Ukraine, 1863-1914 : les Polonais et les conflits socio-ethniques, [Villeneuve-d’Ascq,] Presses universitaires de Lille, 1993. Marcel Radosław Garboś, « Revolution and the Defence of Civilization: Polish Visions of Nationhood, Property and Territory in Right-Bank Ukraine (1917-1922) », The Slavonic and East European Review, vol. 96, n° 3 (2018).

(7) Allan K. Wildman, The end of the Russian imperial army : the old army and the soldiers’ revolt (March-April, 1917), Princeton : Princeton UP, 1980, p. 103.

(8) Jean-François Fayet, « Les Révolutionnaires russes et polonais installés en Suisse pendant la Première Guerre mondiale », in La Suisse et la Guerre de 1914-1918, Genève : Georg, 2015 ; Jean-François Fayet, « 1905 de Varsovie à Berlin : la polonisation de la gauche radicale allemande », Cahiers du Monde russe, vol. 48, n° 2/3 (2007) ; Jerzy Holzer, « Le mouvement ouvrier polonais face au développement du conflit mondial », Le Mouvement social, n° 49 (1964). Marian K. Dziewanowski, « World War I and the Marxist Movement of Poland », The American Slavic and East European Review, vol. 12, n° 1 (1953).

(9) Le premier soviet de Kharkov élu en mars 1917 comptait officiellement 442 Russes et Ukrainiens, 40 Juifs, 8 Polonais et 7 Lettons.

(10) James Morris, « The Polish Terror : Spy Mania and Ethnic Cleansing in the Great Terror », Europe-Asia Studies, vol. 56, n° 5 (2004).

(11) Ce qui n’est pas inouï. Voir Thomas Olszanski, Un militant syndicaliste franco-polonais (« La vie errante » de Thomas Olszanski, 1886-1959), Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires de Lille, 1993.

(12) Kevin McDermott, « Stalinist Terror in the Comintern : New Perspectives », Journal of Contemporary History, Vol. 30, n° 1 (1995).

(13) Son dernier écrit est sans doute le bref récit de son activité en 1915-1918, rédigé à Moscou en 1936 et conservé aujourd’hui aux archives de Kiev. Notons que le frère de Jan, Feliks, militant du parti paysan pro-communiste « Samopomoc », meurt quant à lui à Auschwitz en 1943.

(14) Il s’agit de Roman Hartenberger (1897-1965). Né en Ukraine, il avait adhéré à la SDKPiL à l’âge de 16 ans en 1913 en sortant de son apprentissage de tourneur. Il rejoint les bolcheviks en 1917. Pendant la guerre civile, il devient commissaire politique. Il s’installe en Pologne en 1922, travaille à l’usine et milite syndicalement. En 1942-1945, il participe à la réorganisation du parti stalinien (PPR) dans la clandestinité. Il fait quelques mois de camp de concentration en 1945.

(15) Le général soviétique d’ascendance polonaise Konstantin Rokosovski est même nommé ministre de la Défense de Pologne en 1949.

Sources et bibliographie consultées en russe, ukrainien et polonais

Les dossiers personnels suivants ont été consultés :

– Aux Archives d’État des organisations civiques d’Ukraine à Kiev (CDAGO)

· fonds F59 : Franciszek Biedrzycki, Ignacy Drożniak, Stanisław Gorniak, Roman Hartenberger, Stanisław Kościelewski (alias Jan Kwiatkowski), Jòzef Kowalewski, Jan Lubieniecki (alias Ignacy Rylski), Bronisław Makowski, Antoni Michalak, Marian Nachtman, Stanisław Paliński, Władysław Pawłowski, Adam Pecold, Jòzef Piaszcynski, Henryk Plawinski, Helena Sobczak-Wisniewska, Stanisław Tołwiński, Edmund Tomaszewski, Wacław Trzaskowski, Albert Wojciechowicz, Stanisław Żolnierowicz ;

· fonds F39 : Feliks Kon, Stanisław Redens et Bolesław Skarbek (alias Szacki) ;

– Aux Archives régionales d’État de Kharkiv (DAHO) dans le fonds R1772 : Ignacy Drożniak, Antoni Gadoś, Franciszek Jackiewicz, Stanisław Kaczkowski, Sergiusz Konarski, Franciszek Kowalczyk.

Bjeljakevyč Ivan, « La participation des travailleurs internationalistes polonais dans la lutte pour le pouvoir des soviets en Ukraine (avril 1917-février 1918) », Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, n° 11, (1985).

Gaj-Nyžnyk Pavlo, Maksym Potapenko, « La position du mouvement révolutionnaire polonais en Ukraine du Dnepr sur l’indépendance de L’UNR (1917-1918) », in Šljahy stanovlennja nezaležnosti Pol’šči i Ukraïny: mynule, sučasne, majbutnje / Materialy V Mižnarodnoï naukovoï konferenciï, 15-16 lystopada 2008 r., Žytomyr : Derž. un-t im. Ivana Franka, 2009, pp. 50-68.

Gorburov Kyrylo, « Boleslav Skarbek-Šac’kyj (1888-1934) : la biographie méconnue du responsable du “travail communiste polonais” en Ukraine soviétique », Z arhiviv VUČK-GPU-NKVD-KGB, n° 1 (2012).

Kalenyčenko Pavlo, « Fragments d’histoire des commissariats polonais en Ukraine (1918-1919) », Ukraïns’kyj istoryčnyj žurnal, n° 5 (1967).

KC PZPR. Zakład Historii Partii, Le Livre des Polonais participants à la révolution d’Octobre 1917-1920, Warszawa : Książka i Wiedza, 1967

Mel’nykova Iryna, ed., Les Internationalistes étrangers dans les rangs des combattants pour le pouvoir des soviets en Ukraine (1917-1920), Kyïv : Naukova Dumka, 1967.

Radziwonowicz Tadeusz, « Les Polonais dans l’armée russe (1874-1914) », Studia i materiały do historii wojskowości, n° 30 (1988).

Tych Feliksed., Dictionnaire biographique des militants du mouvement ouvrier polonais, Warszawa : « Książka i Wiedza », 1978-1992.

Žvanko Ljubov, Les réfugiés de la Première Guerre mondiale : la dimension ukrainienne (1914-1918), Harkіv : Vіrovec’ A. P. “Apostrof”, 2012.