Arte a récemment montré un film sur le goulag réalisé par Patrick Rotman, Nicolas Werth et Fr. Aymé qui dans leur présentation affirment que le travail forcé du goulag a été « l’indispensable moteur de la machine de production soviétique » et le « cœur économique et politique caché du régime. »
Or Alexandre Soljenitsyne est catégorique : le goulag ne produisait – extraction de minerais exceptée – que de la camelote : « Tout ce que les détenus du camp, écrit-il, fabriquent pour leur cher Etat est du travail ouvertement et au suprême degré bousillé : les briques qu’ils ont faites peuvent être brisées à la main, la peinture s’écaille sur les panneaux, le crépi se détache, les poteaux s’écroulent, les tables branlent, les pieds sautent, les poignées vous restent dans la main. Partout des négligences, partout des erreurs. A tout bout de champ il faut arracher un couvercle déjà cloué, recreuser une tranchée déjà comblée, percer au pic et au tamponnoir des murs déjà revêtus. (L’Archipel du goulag, Seuil, 1974, tome 2, p. 437).
Il évoque ainsi des lignes de chemin de fer comme la ligne Salekhard-Igarka, longue de 1 200 kilomètres dont les rails se gondolent et qu’aucun train n’empruntera jamais ou la ligne Oussa-Vorkouta dont les rails « flottent » et sur laquelle le train tangue… même après l’exécution des constructeurs, fusillés pour « sabotage ». Soljenitsyne ajoute : « Et la ligne Lalsk (sur la Louza) -Pinioug (…) En 1938 on y consacra quelques grands camps. Il y eut quarante-cinq kilomètres de construits, puis on laissa tomber ». (p 439).
Le goulag est aussi le règne du bluff. Puits de mine creusés dans le sol gelé, comblés, recreusés, gigantesque train de bois pris dans l’eau gelée, dynamité… mais comptabilisé dans les résultats, car les statistiques de la production du goulag, dont on peut « corriger, selon Soljenitsyne, jusqu’à vingt fois les bordereaux de réalisation du plan », (p 436) ainsi maquillés à l’infini pour les faire correspondre aux instructions d’en haut sont aussi, voire encore plus mensongères que les autres.
Soljenitsyne conclut de cette liste partielle : « L’Archipel n’a pas connu l’autocouverture des frais » (p 436) et précise : « Non seulement l’Archipel ne paie pas ses frais, mais le pays en est même réduit à payer fort cher le plaisir de le posséder ». p. 439.
Donc une place politique centrale, sans aucun doute, dans le système de terreur stalinien… mais un apport économique nul et très coûteux….