Jean-Jacques Marie
Pendant des années, les lycéens – admiratifs, indifférents ou caustiques – ont appris que le pseudonyme de Staline venait du mot russe « stal » qui veut dire «acier» et donc que Staline était l’homme d’acier. Deux redoutables spécialistes de l’URSS et de la Russie, Hélène Blanc et Renata Lesnik, journalistes qui se situent dans la lignée de Stéphane Courtois, considérées par leurs pairs comme des « spécialistes » (?), ont corrigé cette version traditionnelle. Dans un ouvrage (aussi nul que leurs ouvrages précédents) intitulé Les prédateurs du Kremlin, (1917-2009), elles annoncent « quelques révélations saisissantes » (page 16). On y apprend que « Beria s’était farouchement opposé à l’ordre de liquider les officiers polonais à Katyn » (page 63 ), ordre dont il a été, les documents le prouvent, le principal organisateur ; elles ne font là que reprendre la légende grotesque répandue par son fils Sergo qui ment et trafique ses propres textes à tour de bras. La nomination d’Andropov à la tête du KGB est commentée sous le sous-titre : « Un poète au KGB » (page 105). Les dissidents ont pu apprécier son sens de la poésie … Mais la plus saisissante de leurs révélations porte sur Staline: «Observons d’abord, écrivent-elles page 49, que l’homme de fer (de stal « fer ») n ‘assumait pas ses décisions ». Le « fer » se dit en russe « Jelezo ». L’« homme de fer » se dirait donc Jelez-nine …
Nos deux « spécialistes» ignorent donc ce que des millions de lycéens, sans connaître le russe, ont su et que certains savent peut-être encore. Mais nos « spécialistes » ne sont pas à une approximation près. Elles écrivent ainsi : « Le ciel s ‘assombrit en 1951 quand éclate « l’affaire de Leningrad » (1948-1953) », c’est-à-dire la liquidation des dirigeants des cadres du Parti communiste russe de Leningrad (Kouznetsov, Popkov, etc.). Elle éclate donc en 1951 … tout en commençant en 1948. Ajoutons qu’elle n’éclate pas, car aucun élément n’en apparaît publiquement, au point que la fille de Kouznetsov (ancien secrétaire du comité central), mariée à un fils de Mikoian, n’a même pas su à l’époque ce qu’il était advenu de son père fusillé !
Plus remarquable encore dans leur ignorance, elles écrivent : « Durant les années 1934-1936 le théâtre de l’absurde socialiste met en scène les grands procès où les fidèles compagnons de Lénine et Staline, les théoriciens du marxisme et la fine fleur des militaires tiennent les rôles principaux. Exeunt Serguei Kamenev, Grigori Zinoviev et Nikolaï Boukharine » (page 48).
Or :
a) Les procès de Moscou se sont déroulés non de 1934 à 1936 mais de 1936 à 1938 (octobre 1936, janvier 1937, juin 1937 pour le procès des militaires, et mars 1938).
b) Nos deux redoutables spécialistes se trompent de Kamenev : le dirigeant bolchevique assassiné par Staline s’appelait Lev ou Léon ; Serguei Kamenev était un chef militaire mort dans son lit en 1936, et qui sera certes déclaré traître plus tard … mais que Staline ne pourra rattraper dans l’au-delà et donc juger.