Valéri Essipov
Journaliste, spécialiste de l’œuvre de Chalamov, auteur du livre Débats de fond consacré aux problèmes controversés de la littérature russe des XIXe et XXe siècles, vit à Vologda.
Il a publié précédemment l’article « Chalamov et les traditions de la résistance russe » dans les Cahiers du mouvement ouvrier, n° 10, 2000.
Varlam Chalamov a connu la gloire en Occident – et surtout en France – après y avoir fait envoyer et publier ses Récits de Kolyma, première partie d’une sorte de saga sur ces camps de l’extrême-nord-est sibérien, que certains appelaient « le crématoire blanc ».
A la fin de sa vie, il souffrait de la maladie de Ménière, qui se traduit par des vertiges, des bourdonnements d’oreille et un accès de surdité qui peuvent durer plusieurs heures.
Dans ce texte, où il analyse les déclarations de Soljenitsyne contre Chalamov et compare leurs points de vue et leurs œuvres, Valéri Essipov fait allusion à la protestation que Chalamov éleva contre la publication de ses œuvres par la revue Possev. Cette dernière était publiée par la NTS (Union nationale du travail), organisation fascisante, dont les fondateurs étaient installés en Allemagne nazie dans les années 1930…
Faire travailler sa tête ou ses genoux ?
C’était il y a quinze ans, au crépuscule de l’époque brejnevienne. Un petit groupe – à peine quarante personnes – accompagnait à sa dernière demeure un écrivain presque oublié de ses contemporains. Beaucoup le croyaient mort. En Amérique, Soljenitsyne avait annoncé au monde entier : « Varlam Chalamov est mort« . Pourtant, à l’époque, pendant les années 1970, on pouvait encore le croiser à Moscou, il quittait parfois le réduit où il vivait pour acheter à manger rue Tverskaïa, c’était terrible à voir, il titubait comme un ivrogne, il tombait. La police de la « ville communiste exemplaire » veillait, on le relevait et Chalamov, qui n’avait pas bu une goutte d’alcool, montrait le certificat de sa maladie, la maladie de Ménière, aggravée par les années de camp et qui le rendait incapable de coordonner ses mouvements (ce certificat, que l’écrivain portait toujours sur lui à la fin de sa vie, se trouve au musée Chalamov, de Vologda).
Le KGB ne relâchait pas sa surveillance…
De plus, il était presque aveugle et sourd, et, en 1979, alors qu’il avait déjà 72 ans, on l’avait interné dans une maison pour invalides. Il était seul, sans famille, recevait de rares visites d’amis ou de connaissances, ou encore de correspondants étrangers. Aussi le KGB ne relâchait-il pas sa surveillance. A l’hôpital, il continuait à écrire des vers. Ceux-ci n’avaient rien de politique, mais témoignaient de l’obstination qui lui était propre :
» Comme toujours je me passerai de lumière.
Comme toujours je me passerai de levier… »[1].
Il y avait donc aussi des policiers en civils parmi les quarante personnes à son enterrement.
Pourquoi rappeler tout cela maintenant ? De nombreux détails sont connus. Pour qui a lu les Récits de Kolyma et apprécié leur grandeur littéraire et humaine, ces détails ont toujours suscité un sentiment de honte brûlante pour le destin de Chalamov. Comme pour celui de tous ceux que le régime stalinien a anéantis et défigurés. A l’époque, pendant les premières années de la « perestroïka », on croyait que cette honte pouvait être purificatrice pour notre société.
Il n’en a malheureusement rien été. Je vais rapporter deux faits affligeants, qui n’ont entre eux aucun lien, mais qui, l’un comme l’autre, pourraient symboliser l’immoralité actuelle de la Russie, la phase historique qu’elle traverse.
En juillet 2000, on a saccagé le monument à la mémoire de Varlam Chalamov au cimetière de Kountsevo. Des pilleurs inconnus ont arraché et emporté la tête en bronze de l’écrivain, ne laissant que le socle de granit vide. Ces barbares sont certainement les héritiers de ces droits communs particulièrement cyniques que l’écrivain a bien connus dans les camps et décrits dans ses récits. Les auteurs de ce crime, comme de tant d’autres en Russie, n’ont pas été retrouvés.
Le règlement de comptes de Soljenitsyne
Le second fait a eu lieu un an plus tôt. Alexandre Soljenitsyne, de retour d’Amérique, a publié dans la revue Novy mir (n° 4, 1999) ses souvenirs sur Chalamov, qu’on ne peut qualifier autrement que de règlement de comptes avec un confrère mort et sans défense.
Le lecteur saura désormais que Soljenitsyne n’est pas « satisfait sur le plan littéraire » par les Récits de Kolyma. Et que Chalamov est faiblard sur le plan du patriotisme (« il ne brûle pas du désir de sauver sa Patrie« ). Et sur celui de l’antisoviétisme également (« Jamais, en aucune façon, ni dans ses écrits, ni dans ses paroles, il n’a exprimé son rejet du système soviétique, ne lui a même jamais rien reproché, il n’a rendu compte de toute l’épopée du Goulag qu’au plan métaphysique »). Même son aspect extérieur était, à l’entendre, peu engageant (« un visage maigre avec des yeux un peu fous »). Tout cela montre que l’auteur de L’Archipel Goulag, malgré son âge respectable, n’est pas devenu plus objectif et tolérant dans ses jugements. Le plus navrant est que cette attaque brutale et indécente n’ait suscité aucune réaction dans la presse russe (à l’exception de la réponse de l’archiviste I. Sirotkina, héritière des droits de Chalamov, parue dans le n° 9 de Novy mir). On a l’impression que la société libérale russe s’interdit de critiquer Soljenitsyne, reprenant ainsi la tradition instaurée dans les « années sans voix » (les années 1960)[2].
Il est probablement nécessaire de rappeler quelques faits de la vie de l’époque où la prose des camps – la vérité sur le régime stalinien – faisait seulement surface, engendrant une vague de déceptions et de mécontentement envers le régime existant qui a en définitive abouti à la « perestroïka » gorbatchevienne et à l’enchaînement catastrophique des événements qui a suivi.
Chalamov a commencé à publier ses récits en 1954, quand, après dix-sept ans passés en camp à Kolyma, il est revenu vivre dans une cité ouvrière isolée de la région de Moscou. Encore plus tôt, quand il travaillait comme aide-médecin dans la taïga, il avait commencé à écrire des vers. A l’époque, tout cela était impubliable et n’était diffusé qu’à ses proches.
Dans une lettre de Chalamov à Pasternak (1956), il y a ces lignes significatives : « La question « être publié ou pas » est pour moi une question importante, mais non primordiale. Il y a toute une série de barrières morales que je ne peux franchir ».
Le rejet par principe de l’adaptation à la censure
L’écrivain rejette le principe même de l’adaptation à la censure -il choisit le départ la vérité comme norme littéraire et comme norme de vie. Derrière ce choix, il y a sa foi immense en l’incorruptibilité des valeurs humaines absolues, que son pays retrouvera un jour ou l’autre. Il serait inepte de dire que Chalamov « plane » au-dessus des réalités ou se situe « au-dessus de la mêlée ». Il participe à la mêlée, au niveau spirituel plus élevé, pénétré de cette vérité que « l’art est l’immortalité de la vie ».
De fait, Varlam Chalamov, quand il travaillait sur les Récits de Kolyma, correspondait peu à l’image de « l’écrivain clandestin », nettement politisé, tel que le dépeint Soljenitsyne dans son ouvrage Le Chêne et le Veau. Chalamov se rapproche plutôt du moine Pimène, chez Pouchkine, qui écrit dans sa cellule « un affligeant récit » dans l’espoir d’être entendu par les générations futures -la seule différence est qu’au lieu de la « bienveillance » de Pimène, il manifeste une indignation juste et sacrée, exprimée sous une forme littéraire ascétique, d’une extraordinaire concision.
Cet « anachorétisme » de Chalamov trouve ses racines dans les préceptes d’abnégation, étrangère à toute vanité, si caractéristique de la tradition spirituelle russe. A l’époque contemporaine, c’est un exemple presque unique. N’est-ce pas la raison pour laquelle l’écrivain est resté, dans une large mesure, mal connu et mal apprécié ?
Le major Pougatchev ou Ivan Denissovitch ?
Le caractère dramatique du destin de Chalamov ressort particulièrement quand on le compare à celui de Soljenitsyne. Vers 1962, quand paraît la nouvelle Une journée d’Ivan Denissovitch, qui a rendu Soljenitsyne célèbre dans le monde entier, Chalamov avait déjà écrit une soixantaine de nouvelles et d’essais du cycle de Kolyma. L’ensemble constituait un assez fort volume. Comme on le sait, pas un seul de ces textes, ni de ceux qui ont suivi, n’a été publié en URSS de son vivant. En quoi donc se distinguaient-ils des œuvres de Soljenitsyne à la même époque ?
Prenons l’exemple de l’un d’eux, daté de 1959, au moment où Soljenitsyne, comme il l’a lui-même reconnu, écrivait une variante « allégée » de son récit Chtch-854, devenu ultérieurement la nouvelle sur Ivan Denissovitch. Chalamov écrivait alors le récit Le dernier combat du major Pougatchev, récit d’une évasion du camp, pénétré d’une admiration ouverte pour les évadés, ce qui enfreignait tous les canons de la littérature, fût-elle du dégel. C’était une atteinte au dogme intouchable de l’idéologie sociale : un homme, injustement condamné à l’époque stalinienne, devait faire confiance à la justice et, en attendant, se soumettre à l’ordre existant qui s’imposait à tous. Une cellule clandestine qui potasse Marx – d’accord. Un soulèvement armé – jamais de la vie. Pas un critique assermenté n’eût accepté une telle forme de « résistance aux circonstances tragiques« . Est-il besoin de dire qu’Ivan Denissovitch Choukhov, avec sa « non-violence » maintes fois affirmée, est aux antipodes du major Pougatchev et de ses amis.
On peut faire la comparaison également avec un autre récit de Chalamov écrit en 1959, La quarantaine du typhus, qui met à jour avec une force saisissante la psychologie d’un détenu « en fin de course« , à deux doigts de la mort. Ce qui le sauve, ce n’est pas la foi, l’espoir, l’amour ni même la haine, mais l’instinct primitif de survie, qui le force à ignorer totalement son prochain. C’est à la ruse qu’il doit de rester en vie, il se cache et un autre est envoyé à sa place à une mort certaine dans les mines d’or. D’ailleurs, ce récit est plus caractéristique de l’œuvre de Chalamov, car il met en scène sa philosophie de l’homme et exprime ce qu’il pense de la force puissante des « instincts bestiaux » qui mènent le monde plus qu’on ne l’admet généralement.
Le récit peut servir d’illustration à l’universalité des positions de la psychanalyse et de la philosophie existentialiste, que pourtant Chalamov ignorait vraisemblablement, ce sont ses propres découvertes artistiques qui font écho aux conclusions de B. Bettelheim[3], élève de Freud, ancien détenu des camps de Dachau et Buchenwald. « L’homme soviétique ne peut se transformer en bête, l’auteur calomnie l’homme soviétique ! » : telles auraient été sans aucun doute les réactions les plus courantes à ce récit s’il avait été publié en URSS à l’époque où il a été écrit ; et les critiques lui auraient sûrement donné en exemple Ivan Denissovitch, qui travaille dans le camp et se réjouit de petits bonheurs.
Deux récits en parallèle…
Enfin, il est intéressant de mettre en parallèle le récit de Chalamov Berdy Onje, écrit également en 1959, et celui de Soljenitsyne, Un incident à la gare de Kretchetkova, publié en 1963. Les deux œuvres traitent un sujet voisin -c’est la vie d’une petite gare pendant la guerre. Dans l’un et l’autre cas, l’auteur part d’un fait réel, d’une triste anecdote. Chez Soljenitsyne, un vieil intellectuel est arrêté pour avoir distraitement donné à Stalingrad son ancien nom de Tsaritsyne. Chez Chalamov, ayant perdu un détenu, les gardiens arrêtent au hasard sur un marché un Turkmène qui ne parle pas russe.
Que peut-on comparer ? Le degré d’absurdité ? Il est du même ordre. Visiblement, chez Soljenitsyne, l’accent est mis sur la « vigilance » universelle personnalisée par le jeune lieutenant de service. Le thème est important, mais néanmoins, il n’est pas nouveau pour les années 1960. Et le héros oublieux du fait que la ville porte depuis 1925 le nom du « père des peuples » n’est pas très typique des années de guerre. Sa malchance ne peut guère éveiller qu’un sentiment de pitié. Chez Chalamov, c’est une couche bien plus profonde qui est ramenée à la surface. C’est la première fois (et la seule, semble-t-il, jusqu’à ce jour) qu’est dénoncée aussi impitoyablement « l’union indéfectible des peuples« . Un allogène est victime de l’arbitraire uniquement parce que, ne sachant pas le russe, il se retrouve sans défense. Enfin, la comparaison la plus parlante : le récit de Chalamov prend quatre pages en tout, celui de Soljenitsyne cinquante. Si la brièveté et la précision sont (comme le pensait Pouchkine) les plus hautes qualités de la prose, la conclusion vient d’elle-même.
On comprend aisément pourquoi Chalamov a porté sur Ivan Denissovitch un jugement mesuré. Tout en rendant hommage aux mérites de la nouvelle, il a fait, dans une lettre à Soljenitsyne, des remarques incisives, où il mettait en doute la vraisemblance du sujet : « Il y a un chat près de l’infirmerie-dans un vrai camp, c’est invraisemblable, il aurait été mangé depuis longtemps… Où est ce camp merveilleux ? J’y aurais bien passé ne fût-ce qu’une petite année. »
Dans cette longue lettre, il n’y a pas l’ombre d’une allusion au fait que le caractère « allégé » de la nouvelle avait pour but de s’adapter à la censure, de plaire au « moujik suprême » Tvardovsky et au « moujik suprême » Khrouchtchev. Chalamov ne parle pas seulement d’une autre réalité des camps, infiniment plus sombre.
Il s’agit en fait d’un autre niveau de vérité, d’une vérité sans frontières, sans conditions, d’une vérité absolue. Il écrira plus tard que ce qu’on appelle le « thème des camps » est « le problème fondamental de notre temps« , que c’est un thème immense, où il y avait place pour cent Soljenitsyne et cinq Tolstoï. « Et chacun sera à l’aise.«
Il fonde sa conviction à ce sujet par la thèse : « Le camp est semblable au monde. » Cette thèse souligne que le thème de la résistance aux circonstances inhumaines, « aux dents acérées de la machine d’Etat« , est universel et permanent. D’où sa conclusion : « Mes récits, en fait, avertissent l’individu sur la façon de se conduire dans la foule« [4].
La prose de Chalamov n’a pas été admise en URSS pour des raisons non tant politiques qu’esthétiques et philosophiques. Ces récits sont dépourvus de tout pathos journalistique visant à « dénoncer le régime », le plus souvent ce sont de simples « tableaux effrayants », traités avec objectivité, qui touchent aux problèmes ontologiques, éternels, de l’existence. Cela dépassait le cadre non seulement de la littérature soviétique, mais même de toute la tradition littéraire russe, entrait en contradiction avec les normes esthétiques, acceptées par tous, de l’optimisme et l’humanisme. L’absence d’idéologie de l’art de Chalamov avait ses fondements historiques, faisait écho aux recherches morales des représentants les plus sensibles de l’intelligentsia occidentale. Tel Adorno déclarant : « Après Auschwitz, on ne peut plus écrire de poésie« , Chalamov considérait qu’ »après Kolyma, la littérature doit changer radicalement« .
« Les écrivains humanistes de la seconde moitié du XJXe siècle portent le lourd péché du sang versé sous leur drapeau au XXe siècle » ; « L’art a perdu le droit de prêcher » ; « Le malheur de la littérature russe est qu’elle s’immisce dans des affaires qui lui sont étrangères, brise le destin d’inconnus, juge de questions auxquelles elle ne comprend rien » : dans toutes ces maximes de Chalamov, on perçoit aussi clairement la polémique avec Soljenitsyne, qui, à partir du milieu des années 1960, entre en lutte ouverte avec le régime, s’appuyant pour le faire sur la tradition russe conservatrice (Dostoïevsky) et l’exemple moral de Léon Tolstoï. Dans une lettre de 1972, Chalamov écrit nettement : « Tout Soljenitsyne est dans les motifs littéraires des classiques de la seconde moitié du XJXe siècle« , « Tous ceux qui suivent les préceptes de Tolstoï nous trompent« , « De tels maîtres, poètes, prophètes, écrivains sont nuisibles« … Chalamov était convaincu que « tout enfer peut resurgir, malheureusement ! « . Il fonde cette sombre prédiction sur le fait que la Russie n’a pas tiré la leçon essentielle du XX e siècle -« la leçon de la mise à nu du substrat bestial qui perdure sous les conceptions les plus humanistes« [5] (5).
Il méprisait profondément le public
Le caractère unique d’une attitude aussi négative envers Soljenitsyne ressort particulièrement sur le fond de l’admiration universelle que lui portaient alors les milieux libéraux en URSS et en Occident. Ce n’est pas par hasard que Chalamov a été à cette époque la cible d’une campagne de « terreur libérale » après sa lettre à la Literatournaïa gazeta où il protestait contre la publication à des fins spéculatives de ses Récits de Kolyma dans la revue Possev et autres publications de réputation odieusement anticommuniste. De nombreux représentants pro-occidentaux de l’intelligentsia libérale russe se sont détournés de lui, jugeant cet acte comme un signe de faiblesse civique, comme une « capitulation » de l’écrivain face aux autorités (c’est aussi ce qu’on entend chez Soljenitsyne dans son tout récent mémoire). Pourtant, la lettre de Chalamov était avant tout une défense de la liberté de l’artiste face à tout engagement politique. A ce sentiment naturel s’ajoutait l’expérience du camp : il savait trop ce que signifiait « être utilisé » (ce mot, dans l’argot des détenus, avait un double sens : « tomber dans une provocation du NKVD » ou « être violé par des droits communs »). Le public dissident de Moscou voulait voir en lui, invalide, un héros. Il méprisait profondément ce public, capable, tout en discutant avec affectation de Mandelstam, de soutenir, sans l’ombre d’un remord, une thèse sur les poètes soviétiques les plus orthodoxes. Incapables de la moindre action, ces gens diffamaient les écrivains (pas seulement Chalamov) pour leur prétendu manque de courage. « Ils me poussent au trou, et ensuite, ils enverront des pétitions à l’ONU« , disait Chalamov.
Dans sa lettre à la Litgazeta, l’écrivain rejetait avec colère les griefs de ceux qui voulaient faire de lui leur allié dans l’antisoviétisme, « un émigré de l’intérieur » du type de Soljenitsyne. Si l’on tient compte des prises de position citées précédemment, on comprendra qu’il s’agissait d’une position de principe, mûrement réfléchie, liée à une claire compréhension des conséquences d’une entrée en politique pour résoudre les problèmes globaux de ce monde fragile où une naïve volonté de bien faire peut se retourner en un mal nouveau[6].
L’aveu de Chalamov concernant le style de la lettre, que beaucoup trouvait différent du style habituel de l’auteur, beaucoup trop direct, est intéressant. Il écrivait : « S’il s’était agi du Times, j’aurais trouvé un autre langage, mais pour Possev, il n’en est d’autre que l’invective« [7]. Il est symbolique que 1. Brodsky, qui s’est retrouvé dans l’émigration cette même année 1972, ait publié dans le New York Times une lettre au ton ferme et mesuré, mais qui exprimait les mêmes idées que Chalamov : « Je suis plutôt un individu qu’une personnalité politique, je n’ai pas permis en Russie et, a fortiori, je ne permettrai pas ici qu’on m’utilise à des fins politiques« [8] (8). Soit dit en passant, Brodsky n’a pour autant été l’objet d’aucune réprobation de la part des milieux libéraux. Tout cela montre à l’évidence qu’une conscience trop politisée prend souvent ses désirs pour la réalité, attribuant à certains écrivains un rôle qui leur est organiquement étranger.
Réévaluer le « phénomène Soljenitsyne »
Il est temps d’en venir à une question complexe et assez délicate : Chalamov a-t-il eu raison, et dans quelle mesure, en 1 100 ce qui concerne les conséquences littéraires et politiques de l’activité de Soljenitsyne ? Ce thème exigerait, certes, des recherches approfondies et spécialisées, et ce que je vais exposer sera inévitablement schématique et subjectif. Néanmoins, il est de toute évidence nécessaire de réévaluer le « phénomène Soljenitsyne » à la lumière des changements actuels en Russie et dans le monde.
Un mythe
Avant tout, il ne faudrait pas surévaluer le rôle et l’influence de la littérature « dissidente » et de Soljenitsyne, en particulier dans la crise de l’idéologie officielle en URSS. La crise qui a mûri dans les années 1970-1980 était due à des circonstances objectives complexes et exigeait inévitablement une issue. L’image du « Messie » sauvant le monde de « l’infection communiste » associée au nom de Soljenitsyne est largement un mythe, popularisé entre autres par l’écrivain lui-même. La majorité de la population soviétique était certes mécontente de ses conditions de vie, sceptique vis-à-vis de ses dirigeants séniles, mais l’opinion n’était pas massivement anticommuniste. La société aspirait à un « socialisme à visage humain », qui aurait admis la liberté d’expression, une économie mixte du type de la NEP, et imaginait atteindre cet objectif par un processus évolutif. C’est en partant de cet état d’esprit que Mikhaïl Gorbatchev a commencé la « perestroïka », qui semblait devoir être une de ces « révolutions par en haut » typiques de la Russie, c’est-à-dire une révolution engagée par le pouvoir pour faire face à d’insolubles problèmes généraux et internes. Et si Gorbatchev avait réussi à mener son entreprise à son terme, le sort de l’œuvre de Soljenitsyne et la façon dont elle est perçue en Russie et dans le monde auraient pu être tout à fait différents, plus réservés, dirons-nous. Il suffit de rappeler que le président de l’URSS appréciait modérément Soljenitsyne, qu’il l’avait même traité de monarchiste. Le scandale avait été étouffé grâce aux explications données à la télévision par un conseiller du président, le journaliste lou. Koriaguine.
Il est significatif que la première publication de L’Archipel Goulag, en 1989, dans la revue Novy mir, se soit accompagnée de vifs débats, qui, peut-on croire, n’étaient pas seulement inspirés d’en haut, mais sincères. Dans ces débats, la conception historiosophique de Soljenitsyne a suscité de vives critiques. On peut citer comme exemple les documents de la » table ronde » parus dans la Literatournaïa Gazeta (17 janvier 1990), sous le titre « Histoire. Révolution. Littérature« , ou l’article de V. Vozdvijensky « Soljenitsyne ? Lequel ? « , paru dans la revue populaire Ogoniok (no 47-48, 1991), où les idées de l’auteur de la Roue rouge sont qualifiées de « rétro-utopie« .
Une approche qui se modifie
Au cours de dix dernières années, l’approche de Soljenitsyne et de ses idées s’est plus d’une fois modifiée. Si, sous Eltsine, l’atout maître était son anti-communisme, avec Poutine, l’accent est mis sur son respect de l’Etat. (En fait, dans le conglomérat complexe des idées de Soljenitsyne, même les orthodoxes du KPRF peuvent trouver un élément à leur goût : n’a-t-il pas toujours été contre le pouvoir de l’argent ? Cela confirme la présence dans le champ énergétique de l’écrivain de potentialités diverses, destructrices et constructives, ce qui est naturel dans la mesure où l’ambitieux et charismatique écrivain s’implique activement dans la politique.)
Sur ce plan, la situation actuelle en Russie est paradoxale. D’une part, de nombreux représentants de l’intelligentsia libérale, même ceux qui polémiquaient autrefois vigoureusement contre lui, sont allés « toujours plus loin » et se qualifient ouvertement d’anticommunistes (non pas dans le sens d’une opposition au KPRF, mais dans le sens d’un rejet total de tout ce qui a été réalisé en URSS sous le drapeau du socialisme). D’autre part, la vie quotidienne du pays, notamment en province, est comme avant chargée des attributs de l’époque soviétique (monuments à Marx et à Lénine, rues qui portent leur nom). L’enseignement de l’histoire dans les écoles de Russie n’est que légèrement modernisé dans le sens d’une critique plus affirmée de Staline et Brejnev et reste respectueux de Lénine (Lénine, comme objet de culte, n’a disparu que de la sphère de l’éducation). La science académique maintient elle aussi dans l’ensemble l’ancien schéma de l’histoire politique du pays : une étude plus attentive des tendances politiques conservatrices ou opposées au bolchevisme du début du XXe siècle n’ont pas conduit à rejeter la légitimité de la révolution d’Octobre. Plus encore, la NEP comme alternative au stalinisme suscite un intérêt croissant[9].
La bouillie idéologique
Un fossé croissant entre l’idéologie de 1′ élite libérale et l’opinion publique saute aux yeux, fossé qui s’est incarné avec une particulière clarté dans la symbiose inattendue, bien que prévisible, des nouveaux symboles de l’Etat russe. Et le fait que l’argumentation des anticommunistes sur le retour à l’ancienne musique de l’hymne de l’Union soviétique soit apparue démagogique et dérisoire face à « l’argumentation de la rue« , aux gens simples qui ne voulaient pas « perdre le sens de la vie« , témoigne, à mon sens, d’une sérieuse défaite de ceux qui, il y a dix ans, fêtaient la victoire. Mais cette histoire d’hymne ne peut guère être interprétée comme le signe d’une sympathie grandissante de la population pour le communisme, encore moins pour Staline. Les raisons, ici, sont plutôt psychologiques. Ce n’est pas un hasard si un penseur contemporain rappelait récemment l’aphorisme de Balzac : « Une brosse dure déchire l’étoffe fine« , pour confirmer sa conclusion absolument juste sur le fait que « la bouillie idéologique« , la confusion dans la tête des gens résulte du manque de mesure de la critique, devenu facteur de destruction[10].
Un livre utilisé
On trouvera difficilement un écrivain qui ait autant que Soljenitsyne dépassé dans sa critique le « sens de la mesure ». Cela concerne avant tout son livre essentiel, L’Archipel Goulag, qui a eu une influence sans exemple sur 1′ opinion publique mondiale pendant les années de la « guerre froide » et qui a créé une image de l’URSS « empire du mal », exagérément négative. Il est inutile de dire que certains cercles en Occident avaient intérêt à la diffusion massive de L’Archipel. Le financement de la première édition de ce livre chez YMCA-press par les services secrets américains en témoigne[11], d’autres faits apparaîtront probablement avec le temps.
On peut supposer que l’auteur de L’Archipel était conscient de la triste vérité que ses livres étaient utilisés et que cela a influé sur son sentiment de malaise dans l’émigration. Il est possible que cela explique son rejet démonstratif des valeurs de la démocratie occidentale, ses penchants vers l’orthodoxie, le fondamentalisme, etc. En même temps, en insistant pour la publication en URSS, précisément, de L’Archipel, et non de ses autres œuvres pendant la perestroïka, Soljenitsyne a montré que lui-même était intéressé avant tout à l’effet propagandiste de son livre -mortel, à son avis, « pour l’idéologie communiste exécrée« .
Pourquoi l’apologie de L’Archipel a-t-elle si vite succédé en URSS à une attitude critique ? Il n’est pas simple de répondre à cette question. Les changements radicaux survenus sous Eltsine ont certes joué un rôle important, mais aussi le penchant de l’intelligentsia libérale à idolâtrer, à faire aveuglément confiance aux autorités littéraires (ce qu’avait également remarqué Chalamov).
Quand la Russie a commencé, selon la spirituelle expression de M. Rozanova (coéditeur avec A. Siniavski de la revue Syntaxis)[12], « la soljenisation du pays tout entier« , on a pu observer quantité de métamorphoses semblables à celles qui se sont produites chez les honnêtes citoyens de la Russie tsariste après la révolution de Février. On a surnommé « socialistes de mars » ceux qui, ne voulant pas passer pour des conservateurs, avaient précipitamment adhéré au parti S-R (ils étaient des dizaines de milliers). Par analogie, on pourrait aussi parler des « démocrates d’août », ceux qui, en un éclair, se sont mis à comprendre toute l’histoire de leur pays « à la Soljenitsyne » et à parler avec un mépris affiché de « l’idéologie marxiste progressiste« , mettant sur le même plan Staline et Lénine, Boukharine, Trotsky et les autres, les condamnant sans appel, « tous des cocos« …
Les médias et les nouveaux dogmes
De nouveaux dogmes, de sens contraire, ont remplacé les anciens. Les médias s’en sont emparés pour les populariser. Le résultat a été ce qu’on appelle, en langage scientifique, « trouble de la conscience collective« , « perte de l’identité socio-culturelle et du sens des valeurs traditionnelles« , et tout simplement « dérèglement des esprits » – phénomène catastrophique et qui a pris des proportions gigantesques. On connaît les conséquences économiques, démographiques, criminogènes et autres de la « révolution sociale en Russie de la fin du XXe siècle« . M. Boulgakov, déjà, parlait du lien entre l’effondrement matériel et « l’effondrement mental« . Peut-on échapper à la question : dans quelle mesure Soljenitsyne est-il impliqué dans ces nouveaux malheurs qui frappent la Russie ? – « Tu l’as voulu, Georges Dandin ?«
D’un faux socialisme militarisé à une réelle « démocratie socialiste » ?
« La question fatale du prix des idées« , soulevée par Soljenitsyne, a une signification pas seulement pour le passé, pour les idées du socialisme. Tant que l’auteur de L’Archipel Goulag restera obnubilé par Marx, qu’il ne cesse d’accuser cent ans après, d’être coupable de la révolution de 1917 (« Marx aurait dû réfléchir un peu !« , s’exclame-t-il tout bonnement dans un publication toute récente)[13], on peut à juste titre lui adresser le même reproche – pour sa doctrine d’anticommunisme militant qui a trouvé ses prosélytes. Et, bien que Soljenitsyne puisse dire qu’il « n’a pas voulu ça », qu’il a adressé des mises en garde sur le danger d’un effondrement après la chute du communisme et a donné des conseils concrets aux dirigeants de l’URSS et de la Russie, on peut difficilement nier le fait que le principe destructeur réel l’emporte de loin dans son activité politico-littéraire sur le principe constructeur utopique. Tout en rendant hommage à Soljenitsyne, comme critique des formes dévoyées du « socialisme réel », il est impossible de ne pas reconnaître que l’auteur déchaîné de L’Archipel, de La Roue rouge, de Lénine à Zurich, a plus que tout autre contribué à transformer toute une période de l’histoire soviétique en « trou noir » et, par là même, à détruire ces « fondements spirituels » qui auraient pu conduire la société sur un chemin beaucoup moins destructeur, sur la voie de l’évolution d’un faux socialisme militarisé à une réelle démocratie socialiste. Finalement, ce sont les hommes politiques qui portent la responsabilité de la démoralisation et du retard croissant de la Russie. Mais n’est-ce pas aussi le prix à payer pour la récente exaltation libérale du Soljenitsyne « autorisé » ?
L’honnêteté exige de reconnaître que Chalamov avait en grande partie raison. En tout cas, on ne peut lui faire de reproches de ce genre, il est sans tache devant l’histoire. Et c’est en vain que Soljenitsyne, dans son mémoire, tente de se représenter en vainqueur dans sa controverse avec Chalamov, c’est en vain également qu’il accuse Chalamov d’être « resté, malgré l’expérience de la Kolyma, un sympathisant de la révolution et des années 20« , car sans ce « sédiment », préservé également dans la majorité de la population de Russie, on ne peut atteindre la concorde et le respect de soi, dont le pays a tellement besoin.
« L’anticommunisme n’est pas acceptable pour la masse de la société »
Les derniers événements en Russie montrent que l’anticommunisme n’est pas acceptable pour la masse de la société -avant tout par son effet destructeur, nihiliste, sur le passé. La masse a été plus sage que certains journalistes et hommes de culture, ne serait-ce que parce qu’elle est encline à voir le monde dans ses contradictions vivantes, dans la fusion du « bien » et du « mal », du « sombre » et du « clair », et n’accepte pas l’univocité, y sentant à juste titre la recherche de quelque profit politique. C’est sans doute pour cette raison qu’on lit de moins en moins L’Archipel Goulag.
La question de divergence de conception du monde entre Chalamov et Soljenitsyne sera encore longtemps d’actualité. Il est difficile de ne pas aborder encore un point. Peut-on, par exemple, s’imaginer les lignes suivantes dans L’Archipel Goulag ?
« Ils sont tous morts…
Il est mort Nicolas Kazimirovitch Barbe, l’un des organisateurs du Komsomol de Russie, lui qui m’avait aidé à retirer une lourde pierre de sa gangue, abattu pour n’avoir pas rempli le plan…
Il est mort Dmitri Nicolaevitch Orlov, ancien référent de Kirov, avec qui nous avons scié le bois, à la mine, dans l’équipe de nuit…
Il est mort l’économiste Semen Alexeevitch Sheïnine, un brave homme…
Il est mort Ivan Iakovlevitch Fediakhine, philosophe, paysan de Vologda, organisateur du premier kolkhose en Russie…
Il est mort Fritz David. C’était un communiste hollandais, un militant du Komintern, accusé d’espionnage. Il avait de merveilleux cheveux bouclés… «
Le récit de Chalamov Epitaphe cité ici a été écrit en 1960. On l’oublie souvent, comme d’autres du même genre. Mais ce sont précisément ces martyrs anonymes, à demi oubliés – ces millions d’hommes exterminés par le régime -, qui constituaient pour l’auteur les forces vives de la Russie et le gage pour elle d’un possible développement indépendant. Aux yeux de Soljenitsyne, ce sont des « vendus », des « bien-pensants » ; la réalité était indéniablement infiniment plus complexe et tragique.
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Toute la prose de Chalamov est au diapason de ce requiem, garde l’intonation douloureuse d’Epitaphe. Peut-on saisir ici l’ombre d’un reproche ? L’idée même de diviser les gens en « purs » et en « impurs » selon un critère idéologique est sacrilège pour l’écrivain. Tous ceux qui ont réellement cru à la justesse des principes d’une vie nouvelle et, devenus victimes de la terreur, sont restés humains, ne méritent à ses yeux que compassion. Dans cette compréhension chaleureuse que n’entrave aucune partialité, est la haute vérité morale de Chalamov.
Est-il besoin de dire que cette vérité est constructive, qu’elle appelle non à chercher des « ennemis » (dans le passé ou le présent), non à diviser à nouveau la société dans une confrontation sans fin, mais à prendre conscience de la vraie tragédie du chemin historique suivi par la Russie au XX e siècle ?
Une telle conscience exclut les interprétations simplistes et unilatérales de ce que nous avons vécu ces quatre-vingts dernières années, laissant le champ libre à la réflexion non seulement sur « les doigts d’Aurore », mais sur les réalités des années 1920, quand le marché avait encore beaucoup plus d’importance que le camp ; pas seulement sur les « criminels bolcheviques », mais sur l’importance de facteurs comme la famine, la guerre, les passions et les erreurs humaines, qui ont la triste propriété de se répéter.
[1] Vers écrit un an avant sa mort, en 1981. Chalamov V., Œuvres choisies en quatre tomes, M. Vagrius, 1998, tome 3, p. 446. Les citations ultérieures de V. Chalamov sont empruntées à cette édition.
[2] L’écrivain Daniil Danine a laissé dans son journal, en 1967, une appréciation expressive de cette tendance : « Quelque chose me met hors de moi dans toutes les discussions sur Soljenitsyne. L’idolâtrie, sans doute… On ne fait plus travailler sa tête, mais ses genoux » (Danine D., Journal d ‘une année ou Monologue-67. Zvezda, 1997, n° 5, p. 196).
[3] « Ici, tout est permis qui me permet de survivre » : telle est, d’après Bettelheim, la formule de l’immoralité du camp qui est une réaction face à une conduite inhumaine. Voir Bettelheim. B., Conduite de masse et individuelle dans les situations critiques. Droujba narodov, 1966, no 11.
[4] Recueil chalamovien, fascicule 2, p. 31, Vologda, 1997.
[5] Lettre de Chalamov à A. Kremensky, Znamia, 1999, n° 5, pp. 151 à 156.
[6] Pour plus de détails sur la vision politique de Chalamov, voir notre publication dans les Cahiers du mouvement ouvrier, n° 10 (2000). Il faut remarquer que Chalamov avait manifesté beaucoup d’intérêt pour la théorie de la convergence d’A. Sakharov (remarque de l’auteur).
[7] Recueil chalamovien, fascicule 1, Vologda, 1994, p. 105.
[8] Publié en russe dans la revue Zvezda, 2 000, n° 5, p. 4.
[9] Voir, par exemple, le rapport sur la séance du bureau d’histoire de l’Académie des sciences de Russie (sous la direction de V. P. Danilov) dans la revue Otetchestvennaïa istoria, n° 6 (1996), avec sa conclusion caractéristique : « Pour le paysan, la NEP était l’idéal. »
[10] Akhiezer A., Voprossy filosofii, 1999, n° 8, p. 7. Pour illustrer cette réaction psychologique, on peut se référer à l’aphorisme ironique de l’écrivain S. Dovlatov : « Ceux que je hais le plus après les communistes, ce sont les anticommunistes. »
[11] Témoignage de V. Alloï, ancien éditeur d’YMCA-press, rapporté par I. Sirotkina dans sa réponse à Soljenitsyne (cf. Novy mir, 1999, no 9, p. 237).
[12] A. Siniavski, un des opposants permanents de Soljenitsyne, acceptait néanmoins la conception de L’Archipel. Voir son aveu : « Notre désaccord ne date pas de L’Archipel, il est plus tardif et a des causes bien différentes : la construction historique, les recettes autoritaires, etc.«
[13] Soljenitsyne A., « Le grain tombé entre les meules », Novy mir, 1999, no 2, p. 95.