Emmanuel Macron : « Ce vieux continent de petits bourgeois … »

« En réalité je ne suis que l’émanation du goût du peuple français pour le romanesque (…). Ce qui me rend optimiste, c’est que l’histoire que nous vivons en Europe redevient tragique. L’Europe ne sera plus protégée comme elle l’a été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce vieux continent de petits-bourgeois (1) se sentant à l’abri dans le confort matériel entre dans une nouvelle aventure où le tragique s’invite ». (Emmanuel Macron, interview à la NRf de mai 2018, reproduite partiellement dans Le Monde du 28 avril 2018 page 21.)

(1) note des CMO : en réalité, sous l’expression « petit-bourgeois », Macron-le-banquier désigne les cheminots, les infirmiers et infirmières … et tous ceux qui ont un statut arraché au lendemain de la guerre dans la lutte des classes.

Un Court Moment révolutionnaire, la création du Parti communiste en France (1915-1924)

Avec Julien Chuzeville, autour de son livre

Salle du Maltais rouge

Affiche conférence Julien Chuzeville sur la naissance du PCF
Livre de Julien Chuzeville sur la naissance du PCF

Il a existé en France un parti révolutionnaire internationaliste regroupant plus de 50 000 adhérents, qui appelait à l’« organisation d’une véritable démocratie sur la base des soviets », à « la révolution mondiale », et à l’« organisation des États-Unis d’Europe ». C’était le Parti communiste du début des années 1920, à l’époque « Section française de l’Internationale communiste ».

Le PC est né de la scission du Parti socialiste en décembre 1920, au congrès de Tours, une nette majorité choisissant de rejoindre l’Internationale communiste. Ce choix s’explique en partie par le choc de la Première Guerre mondiale et l’intégration de dirigeants socialistes aux gouvernements de guerre. D’autre part, « le contexte d’intenses luttes sociales, de grèves massives en France, de tentatives révolutionnaires dans différents pays d’Europe, eut une influence décisive sur les résultats du congrès de Tours » (p. 10).

Après la création et les débuts du PC, le livre s’achève sur l’analyse du tournant de 1924, la « bolchevisation », qui marque la fin de ce « premier » Parti communiste. Ses principaux fondateurs deviennent oppositionnels, puis sont exclus ou poussés à la démission. Ils militeront ensuite au sein de l’extrême gauche antistalinienne.

Revisiter cette période allant de 1914 à 1925 permet aussi plus largement d’envisager avec un regard neuf l’histoire du communisme et du mouvement ouvrier.

Michel Renouard : À propos de sa biographie de Trotsky

Jean-Jacques Marie

La collection de poche folio Gallimard a publié en 2017 une biographie de Trotsky par Michel Renouard. Ce dernier a, selon la présentation qui ouvre l’ouvrage, été « correspondant d’Europe 1, de Paris-Jour et de l’agence Reuters, enquêteur de Dominique Lapierre pour Paris brûle-t-il ? et de Cette nuit la liberté, journaliste puis professeur à Amherst (États-Unis), Carlisle (Angleterre), Nairobi (Kenya), Poitiers, Rennes et la Roche-sur-Yon ».

Un globe-trotter donc. Agrégé de lettres, docteur d’État en littérature, ce professeur des Universités, spécialiste de l’empire britannique, a créé le Sahib, premier laboratoire français consacré aux études anglo-indiennes. Michel Renouard est l’auteur de quarante-sept ouvrages, parmi lesquels Histoire et civilisation de la méditerranée (Ouest france 2006), La Littérature indienne anglophone (Atlande 2007), Naissance des écritures (Ouest france 2011), et son quatorzième roman s’intitule Le Siamois de Brest (Gisserot 2016). Il a publié Lawrence d’Arabie (2012) et Joseph Conrad (2014) dans la collection Folio biographies.

Certes, voilà qui manifeste une vaste curiosité intellectuelle et un appétit de savoir peu banal… mais on peut légitimement se demander en quoi tout ce parcours prépare-t-il à une étude sur Trotsky et la révolution russe ? La conclusion de cette biographie, en tout cas, ne saurait manquer d’étonner. Renouard y écrit : « À y bien regarder, l’amour que, pendant quatre décennies, il porta à sa femme, Natalia Ivanovna Sedova, A ÉTÉ SA PLUS BELLE, ET PEUT-ÊTRE SA SEULE VRAIE RÉUSSITE, celle qui a constitué l’ironique (pourquoi ironique ? J.-J. M.) point d’orgue de son existence tourmentée à travers les “steppes incommensurables” d’un singulier destin (…). Les dieux, auxquels Lev Davidovitch Bronstein ne croyait pas, ne l’ont pas épargné. Ils lui ont pourtant réservé le plus rare des cadeaux : la discrète mais lumineuse présence à ses côtés d’une femme d’exception, Natalia Ivanovna Sedova » (pp. 267-268).

Donc la seule réussite de Trotsky, ce serait son roman d’amour avec Natalia. pourquoi alors lui consacrer un livre entier … dans lequel ledit roman n’occupe qu’une place, par ailleurs … et inévitablement, très réduite ?

L’ouvrage comporte quelques autres révélations. On y apprend que «  les révolutionnaires ne rêvent que de créer le chaos «  (p. 134). Quant aux divergences qui ont séparé – parfois brutalement dans les mots – Trotsky et Lénine de 1904 à 1917, l’auteur les évoque avec une désinvolture très journalistique et fort peu politique. Que l’on en juge :  » Les rapports qui unissent et séparent Lénine et Trotsky peuvent également être placés sous le signe des relations familiales : on s’apprécie, on s’aime, on se fâche, on se boude, puis on se retrouve sans trop savoir, avec le temps qui passe, quel a été l’objet de la brouille  » (p. 134). Rien n’est plus faux. Pendant ces treize ans, les points de désaccord sont clairs et nets et chacun les exprime … avec clarté et netteté !

L’auteur enfin nous livre ici et là quelques remarques curieuses. Ainsi, évoquant l’échec de l’Armée rouge lors de la guerre avec la Pologne en 1920, il affirme :  » Trotsky n’est pas chagriné par l’échec des Rouges en Pologne  » (p. 164) … Ah bon ? Pourquoi ?  » Car un succès militaire à Varsovie aurait contredit un de ses principes : l’Armée rouge n’a pas à exporter la révolution par les armes, encore moins à se substituer à la classe ouvrière d’un pays «  (p. 164). De là à rester indifférent à l’échec d’une armée dont il est le fondateur et le chef politique … il y a un (très) grand pas que l’auteur franchit sans barguigner ! On ne passe pas aisément de la littérature indienne anglophone ou de Lawrence d’Arabie à la révolution russe….

Bernard Thibaut et la nonne

Nous avons relevé sur le blog de Robert Duguet cet échange épistolaire inhabituel datant de novembre 2004 – authentique ! – entre une sœur visitandine de Nantes et celui qui était à l’époque secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault.

Lettre adressée par sœur M. à la CGT : « Madame, Monsieur, Religieuse cloîtrée au monastère de la Visitation de Nantes, je suis sortie cependant, le 19 juin, pour un examen médical. Vous organisiez une manifestation. Je tiens à vous féliciter pour l’esprit bon enfant qui y régnait. D’autant qu’un jeune membre de votre syndicat m’y a fait participer ! En effet, à mon insu, il a collé par derrière, sur mon voile, l’autocollant CGT après m’avoir fait signe par une légère tape dans le dos pour m’indiquer le chemin. C’est donc en faisant de la publicité pour votre manifestation que j’ai effectué mon trajet. La plaisanterie ne me fut révélée qu’à mon retour au monastère. En communauté, le soir, nous avons ri de bon cœur pour cette anecdote inédite dans les annales de la Visitation de Nantes. Je me suis permis de retraduire les initiales de votre syndicat (CGT = Christ, Gloire à Toi). Que voulez-vous, on ne se refait pas. Merci encore pour la joie partagée. Je prie pour vous. Au revoir, peut-être, à l’occasion d’une autre manifestation … Sœur M. »

Réponse du secrétaire général de la CGT : « Ma sœur, je suis persuadé que notre jeune camarade, celui qui vous a indiqué le chemin, avait lu dans vos yeux l’humanité pure et joyeuse que nous avons retrouvée dans chacune des lignes de votre lettre. Sans nul doute il s’est agi d’un geste inspiré, avec la conviction que cette pointe d’humour “bon enfant” serait vécue comme l’expression d’une complicité éphémère et pourtant profonde et vous pardonne volontiers votre interprétation originale du sigle de notre confédération, car nous ne pouvons avoir que de la considération pour un charpentier (1) qui a révolutionné le monde (2). Avec tous mes sentiments fraternels et chaleureux.Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. »

(1) Thibault confond le christ avec son père Joseph ! (NDLR)

(2) le christ aurait « révolutionné le monde ». Du point de vue d’un responsable syndical, c’est quand même un peu exagéré… (NDLR)

Marlène Schiappa : « Je vais installer un punching-ball au ministère ».

Jean-Jacques Marie

3ème tr 2017

Tel est le titre de l’interview donnée par madame Marlène Schiappa à Paris-Match (20-26 juillet 2017).

Ce titre reproduit l’une des révélations de cette dame, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. On y apprend aussi que sa chanson fétiche est Gigi l’amoroso de Dalida. Passionnant …

Plus passionnante encore son ultime confidence : « Je suis très superstitieuse. Depuis mes 12 ans je porte la Corse en pendentif, que je n’enlève jamais. Je mets dans mon sac et dans le cartable de mes enfants un coquillage appelé oeil de Sainte-Lucie, qui empêche les gens de vous jeter un sort ». Ouf ! on est rassuré pour son avenir !

L’une des rares affirmations politiques répond à la question : « Quelle est votre plus grande fierté ? » : « Mes enfants(…) et, plus politiquement, d’avoir fait rentrer autant de femmes à l’Assemblée ». Ce serait donc elle qui les y a fait rentrer ? On pensait jusqu’alors que les responsables de cette entrée massive étaient les électeurs et électrices … relativement peu nombreux, rares, vu la masse des abstentions et des bulletins blancs et nuls – 61,7 % ! Errare diabolicum est … – C’est madame la secrétaire d’Etat, peut-être grâce à son amulette !

Stéphane Encel : « la biographie d’un personnage qui n’a probablement pas existé … »

Jean-Jacques Marie

La biographie détaillée d’un personnage à l’existence incertaine ce n’est pas moi qui le dis, c’est son biographe, Stéphane Encel, auteur d’un ouvrage sur le héros biblique Josué et qui s’interroge : «Comment écrire la biographie d’un personnage qui n’a probablement pas existé ou qui reste au moins insaisissable pour l’historien et l’archéologue ? » (p. 24). L’avant-propos commence d’ailleurs par ces lignes apparemment inquiètes : « Josué a-t-il seulement existé ? » (p. 11). Peu importe, nous dit l’auteur, car « successeur de Moïse, conquérant désigné par Dieu, d’une conquête difficilement acceptable moralement, qu’il fallait pourtant mener à bien pour que sur cette terre le peuple choisi par YHWH puisse réaliser les commandements de la Torah » (Ibid.).

YHWH ? En note, Stephane Encel précise qu’il choisit comme « vocable pour désigner le dieu d’Israël celui du tétragramme non vocalisé : YHWH, qui apparaît plus de 7 000 fois dans la Bible hébraïque. Il en existe bien d’autres mais c’est celui qui constitue, jusqu’aujourd’hui, l’essence de la divinité des juifs, dans le rapport sacralisé et transcendant que le fidèle entretient avec elle »(Ibid.). Prier YHWH ne doit pas être très simple pourtant.

Deux pages plus tard, l’auteur règle le problème avec une sainte simplicité : « Josué ne peut exister » pour l’historien mais « sur-existe pour les croyants, pratiquants fervents ou non (…). En l’absence de preuves, de traces, d’indices extrabibliques, Josué est immatériel, impalpable pour l’œil de scientifiques cherchant la réalité de ce qui s’est réellement passé » (p. 13).

Il y a tout aussi surprenant. Encel ajoute en effet un peu plus loin : « Contemplant par humanisme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans sa représentation d’origine, le fervent républicain laïc y retrouvera en fond les Tables de la Loi » (p. 15). la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 … venue de la Torah ! Voilà un fait pour le coup, vraiment « immatériel, impalpable pour l’œil de scientifiques cherchant la réalité de ce qui s’est réellement passé ».

J’ai arrêté là le récit de l’existence immatérielle et impalpable de celui qui s’appelait d’abord, paraît-il, Hochea, cet homme qui avait arrêté un jour le soleil dans sa course avant de renverser les murailles de Jéricho en faisant jouer de la trompette par ses troupes (mode de combat qui, il est vrai, n’exige pas d’importants crédits militaires).

Jean Daniel et l’histoire

Jean Daniel, on le sait, depuis plus de soixante ans s’est attribué le rôle de conscience de la gauche (légèrement caviar). Cela l’autorise à réviser l’histoire. Dans L’Obs du 15 juin il publie un article grandiloquent intitulé L’adieu à la patrie socialiste dans lequel il évoque « le congrès de Tours en 1921 au cours duquel Léon Blum a refusé la fusion avec le Parti communiste ». Cela, c’est une découverte… Mais comment diable Blum a-t-il pu refuser la fusion avec un parti qui n’existait pas encore et qui sera proclamé à la fin du congrès de Tours à la majorité des mandats ?

Macron, la démocratie et le fantôme du roi …

« La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort(…). On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps la démocratie française ne remplit pas l’espace » (Interview de Macron à la revue Le 1 de juillet 2015 reproduite dans Challenges du 8 juin 2017, n° 525, page 19). Il faut donc quelqu’un pour remplir cet espace ou ce trou. Apparemment Macron a une idée sur le candidat à cette fonction de bouche-trou. Un proverbe latin affirme : « Quos vult perdre Jupiter dementat. »

Jean-Christophe Cambadélis et la révolution russe

Une perte irréparable … mais évitée nous apprenant que « le futur patron du PS s’est nourri des récits de la révolution russe ».

L’Obs interroge Jean-Christophe Cambadélis et Daniel Cohn-Bendit.

Jean-Christophe Cambadélis déclare : « Je voulais écrire un livre sur 1917 mais je n’aurai pas le temps » (site du PS, 22 décembre 2016). Qui n’a alors versé quelques larmes à l’idée que la révolution russe perde un pareil historien ?

Il semble que, depuis, ces larmes aient pu sécher… Merci au 18e arrondissement de Paris…